Fellini, néoréalisme, prostitution, cinéma, Les Nuits de Cabiria
Je sors momentanément de mon aventure fellinienne. Je sors d'un autre cinéma. Un cinéma exigeant, dense, qui requiert toute notre attention, notre vigilance. Un cinéma comme art. Un cinéma qui m'a passionnée depuis le début de cette année. Je sors plus précisément de deux époques très distinctes du cinéaste Federico Fellini.
Dans Les Nuits de Cabiria, Fellini, - même si, comme je vais vous le montrer, n'appartient pas vraiment au néoréalisme -, est encore proche du réel et du quotidien. Il en est proche à sa manière. Il capte surtout les palpitations intimes d'un être émouvant, il est à l'écoute de ses doutes, de ses appels, de ses terreurs.
Et somme toute, voilà un film sur la vie d'une prostituée qui fait l'impasse sur la prostitution.
[...] Première voie de la lune. Salvini est amoureux d'Aldina, une blonde au visage clair, il la surprend dans son lit, son visage laiteux est auréolé d'un halot, c'est la lune. Il lui dit des vers de Leopardi. Elle s'éveille, il doit fuir. Il rencontre le préfet Gonnella. C'est un fonctionnaire destitué, il vit dans la certitude d'être poursuivit, espionné, il se croit au centre d'un complot. Pour lui, la vérité, la beauté, sont dans le passé. Il redoute terriblement la mort qui l'exclura du monde. [...]
[...] Salvini, comme Cabiria (dont l'ultime sourire s'inscrit à merveille dans le disque lunaire ou l'objectif du puits), est un être fragile, petit, pâle. Un enfant de la lueur. Il rencontre Gonnella, le préfet désabusé, adulte malade, inquiet par la lente approche de la mort, en perpétuel refuge dans les valeurs du passé. Mais ni le passé ni le présent ne sont bons ou mauvais a priori. Ils sont surtout intéressants par la manière dont on les traverse, dont on les habite. [...]
[...] Tu veux me parler des voix, poursuit la lune, des courses vers les puits, et tu n'es pas content ? C'est un don immense, une chance, Salvini ! Mais Salvini se plaint de ne pas comprendre ces voix. Tant mieux, c'est une double chance, dit la lune. Tu ne dois pas comprendre. Gare à celui qui comprend. Que ferais-tu, après ? Tu dois seulement écouter, entendre ces voix et espérer qu'elles ne se lassent jamais de t'appeler Sur le visage de Salvini apparaît un beau sourire, parent sans doute du sourire final de Cabiria. Quelle mélancolie, s'exclame-t-il, épanoui. [...]
[...] Le sourire lunaire de Cabiria est un tableau formidable, une merveilleuse icône. Un lever de lune sur une douloureuse suite de nuits. Le dernier mouvement d'Ivo est un sourire à la lune. La lune dont le disque, en tournant, nous chante des airs de légende, des mythes, des phantasmes entrecoupés de silences. Il faut tout entendre et tout accueillir, les airs et les silences. Airs et silences, intimement mêlés comme lune et puits, cinéma et écran, lueur et obscurité, art et vie, homme et femme. [...]
[...] La Voce della Luna. Le film ne comporte pas un récit linéaire. La réalité et le monde onirique s'y mélangent, la vérité et le rêve. Le récit et l'invraisemblance du conte. Je crois, dit Jean Collet, que personne ne pourrait le raconter : c'est le film le plus énigmatique et le plus mystérieux de Fellini. Il poursuit en disant qu'avec ce film, Fellini se veut tout simplement un poète. Il faut voir ce film comme on verrait un dessin d'enfant, plein de mélancolie, fragile, profond, troublant, qui cherche à nous dire quelque chose, quelque chose qui n'est pas clair mais qui nous trouble. [...]
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