Cinéma moderne émotions
« Le cinéma moderne témoigne de la perte des émotions simples – la peur, le rire, les larmes – dont le cinéma classique a si brillamment joué. Parce que le cinéma classique suture l'imaginaire du spectateur, un mode d'emploi n'en n'est pas nécessaire. L'embrayage est si l'on peut dire automatique. Au contraire, les films modernes demandent, semble-t-il, un mode d'emploi qui nous fait défaut. » (Pascal Bonitzer)
Pouvez-vous à partir de cette affirmation de Pascal Bonitzer indiquer en quoi le cinéma moderne s'est affirmé comme « différent » et, de votre point de vue, envisager le devenir du principe d'émotion dans ce nouveau cinéma ?
[...] Effectivement, Amengual parle de réalisme du vide avec une mécanique qui favorise la rupture, qui ouvre vers des dimensions abstraites et garde à distance le spectateur. Une fois de plus, le film à bout de souffle est l'exemple parfait pour illustrer ce montage nouveau et très particulier : Godard utilise sans arrêt, les faux raccords, les sautes de plan, afin de donner un rythme très rapide à son film. Pour conclure, on peut dire que le cinéma moderne marque un tout nouveau tournant. [...]
[...] En quoi ce nouveau courant marque un changement majeur du principe d'émotion au cinéma ? Dans un premier temps, un court rappel sur la transmission des émotions dans le cinéma classique nous permettra d'enchaîner dans un second temps sur le rejet de tout réalisme dans le cinéma moderne, pour enfin nous attarder sur les nouveaux traitements esthétiques de ce cinéma. Tout d'abord, le public a besoin d'histoire et d'émotions, et l'un n'est pas concevable sans l'autre. Avec le cinéma classique, il était habitué aux émotions de masses, communes, qui sont la peur, le rire et les larmes. [...]
[...] Le nouveau traitement des émotions est dû à un nouveau traitement esthétique de l'image et du montage. Godard a abordé dans un article les effets esthétiques du cinéma moderne en prenant pour exemple l'utilisation du contre-jour chez Bergman avec ses superbes lumières. Ce n'est pas selon lui un moment esthétique purement gratuit, il ne relève ni de l'ornement ni du maniérisme. Il s'agit au contraire d'un équivalent du ressenti du personnage, il permet de transcrire cinématographiquement l'intériorité du personnage. Auparavant, les émotions du personnage étaient signifiées par les gros plans par exemple, comme nous l'avons précisé précédemment ; or avec l'arrivée du cinéma moderne elles sont beaucoup plus implicites, amenées parfois par substitution à d'autres éléments. [...]
[...] Dans Monica, Bergman ne justifie pas le comportement de la femme qui abandonne lâchement son mari et son enfant, du jour au lendemain. Il nous présente avant tout un comportement égoïste, qu'il nous est plus facile de juger, que de nous approprier. Par exemple, dans Les bonnes femmes, Chabrol traite d'un nouveau sujet : les femmes. Il joue avec la médiocrité de leur existence. Le spectateur se sent supérieur aux personnages mis en scène, et par conséquent, il a beaucoup de mal à s'identifier compte tenu de la médiocrité et de la passivité de ces femmes. [...]
[...] Il y a un engagement en pensée du spectateur. Et les modernes intègrent la pensée supposée du spectateur, son point de vue extérieur, dans le processus cinématographique. Le point de vue du cinéaste est relativisé et ne prétend d'aucunes autorité. Dans le cinéma moderne, le spectateur ne peut plus s'abandonner à l'illusion d'un monde qui fait oublier son artificialité : les artifices sont ici constamment rappelés, c'est un film qui se fait devant nous, et non un monde qui se donne à voir. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture