Luis BUÑUEL, cinéaste espagnol, fut reconnu dès son premier film Un Chien Andalou en 1928, oeuvre surréaliste qui marqua le début d'une grande carrière. Dès lors, on remarque déjà chez le réalisateur une volonté de se servir du cinéma pour changer le regard des spectateurs sur divers aspects de la société. Puis L'Age d'Or (1930), film très critique envers le milieu bourgeois chrétien, n'est que le prémisse d'un sujet que BUÑUEL s'efforcera de développer au fur et à mesure de sa carrière et qui lui vaudra d'être qualifié par ses paires de « cinéaste anticlérical et marxiste forcené ». Réputé pour ses idées et ses images souvent jugées sacrilèges, il se retrouvera constamment méprisé et censuré par les institutions. BUÑUEL, cinéaste de la satire social, traite chaque fois du fascisme, de la culture bourgeoise et de l'Eglise Catholique. C'est sur ce dernier thème que cette étude portera. Nous essayerons d'analyser l'anticléricalisme légendaire du réalisateur. On observe dans ses œuvres à la fois une répulsion et une fascination à l'égard de la religion. Il est fasciné par ce qui lui semble être l'absurdité de la foi chrétienne. Cette pulsion théologique est constamment exaltée comme source de jouissance égoïste mais dénoncée aussi comme en opposition avec les lois de la survie. Chez BUÑUEL, le Bien ne peut mener qu'au Mal et les valeurs les plus profondes du catholicisme, en l'occurrence la bonté et la charité, ne peuvent qu'engendrer des monstres (Viridiana en fera l'expérience en 1961). Dans un premier temps, nous tacherons donc d'examiner d'où provient cette aversion de la religion si récurrente dans son oeuvre. Puis, nous analyserons les films ayant précédés La Voie Lactée pour découvrir les premières traces de l'intérêt porté par BUÑUEL à la religion. Ensuite, nous analyserons La Voie Lactée, film consacré à l'histoire de l'Eglise Catholique. Enfin, nous essayerons de répondre à la question suivante : « Peut-on réellement parler d'un anticléricalisme de BUÑUEL ? » en nous appuyant sur le film Nazarin et ses répercussions.
[...] Cette idée de BUÑUEL nous montre bien qu'il n'a jamais totalement été anticlérical. Comme certains de ses personnages, on peut supposer qu'au fond de lui il a toujours eu un doute sur la religion et dans la plupart de ses œuvres où le sujet est abordé, nous pouvons y voir tout simplement une mise en image de ses propres interrogations. Bibliographie Conversations avec Luis BUÑUEL : Il est dangereux de se pencher au-dedans Tomas Perez Turrent (1993) Cahiers du Cinéma Mon Dernier soupir Luis BUÑUEL 1982 R. [...]
[...] En 1930, BUÑUEL réalise L'Âge d'Or, film surréaliste comme son prédécesseur. Ce film, comme ceux qui suivront, est fondé sur le renversement permanent des valeurs et du sens. C'est ainsi que l'on peut voir l'image des squelettes des évêques sur les rochers à la fois comme le négatif de toutes les significations religieuses et sociales. Tourné de mars à mai 1930, il est présenté début juillet chez les Noailles. Il obtient son visa de censure le 1er octobre mais reçoit au cinéma Panthéon un accueil d'une hostilité glacée de la part du Tout-Paris invité par les Noailles à la fin du mois. [...]
[...] Le blasphème de la représentation est encore renforcé par la fausse prise photographique. Enedina, se met face aux convives pour prendre la photo. Elle lève alors sa robe, montrant aux convives (et non aux spectateurs du film qui ne la voient que de dos), son sexe. Or ce moment coïncide exactement avec celui où les convives prennent la pose des disciples de La Cène de Vinci: le pinceau du peintre est donc remplacé par le sexe de la femme mendiante. [...]
[...] BUÑUEL réalise alors Viridiana, véritable assaut au catholicisme et au fascisme espagnol. Il y dénonce l'hypocrisie religieuse et chrétienne. Après avoir permis le tournage, Franco interdit complètement le film, les copies espagnoles sont saisies et brûlées. Cependant, une copie de Viridiana passe en contrebande en France où elle gagne la Palme d'Or du Festival International du Film à Cannes. L'Osservatore Romano, organe officiel du Vatican, hurle au sacrilège. Il fait pression et rédige un article sur Viridiana, reprochant à BUÑUEL d'insulter non seulement le catholicisme mais le christianisme lui-même. [...]
[...] Par l'antiphrase et l'altération, il retourne le sens de l'image. D'éducation jésuite, il en critique les valeurs et acquiert l'idée que seules les limites du rationnel dessinent notre monde. BUÑUEL passe souvent pour un artiste anticlérical alors qu'il est en réalité fasciné par la religion d'un point de vue humain. Sous la provocation apparente, il a une véritable attirance envers ces gens en quête de spiritualité et les rites religieux, voire un certain respect. Il reconnaît la valeur de la symbolique religieuse mais il la confronte à la férocité du réel. [...]
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