Le film est né d'une collaboration entre deux auteurs, Alain Robbe-Grillet qui en a rédigé le scénario, Alain Resnais qui l'a réalisé. Chacun d'eux a donné de son « univers ». Si Robbe-Grillet y a mis les recherches du Nouveau Roman (remise en cause de la narration, de l'intrigue, de la psychologie des personnages au profit d'un questionnement sur la structure du récit, le style, l'ordonnancement des mots), Alain Resnais a su retransmettre les préoccupations de la Nouvelle Vague (réflexion sur le procédé cinématographique et le rapport à l'authenticité de l'image manipulée) et les siennes propres (le fonctionnement du psychisme humain, le rapport à la mort, le principe d'incertitude). Tous ces éléments ont fusionnés pour donner un film complexe et ouvert à diverses interprétations. On analysera donc tout d'abord L'Année Dernière à Marienbad, le sens proposé à l'histoire étant évidemment subjectif, puis nous verrons en quoi le film participe à la modernité cinématographique des années 1960.
Dès le générique du début, les noms sont comme gravés sur de la pierre et annoncent cet univers appartenant au passé. Le décor baroque représente lui-même, comme le souligne le monologue, un décor « d'un autre siècle ». Dans les dialogues, l'histoire semble appartenir au passé (récurrence de phrases telles que : « cette histoire est déjà terminée ») et fonctionne avec de nombreux flash-back du héros. Nous somme dans un univers rigide et froid : les jardins aux formes géométriques nettes, l'intérieur fait de matériaux rigides (bronze, marbre, pierre..), le tableau « neige » et les dialogues font référence au glacial.
Aussi, les personnages sont à l'image de l'univers : ils adoptent toujours les mêmes postures, aux mouvements lents, à la stature rigide, ils sont comme statufiés. On ne les voit jamais boire ou manger. Ils n'ont pas d'identité ni de « psychologie ». A aucun moment dans le dialogue les deux héros sont nommés, et comme dans les autres romans de Alain Robbe-Grillet, le scénario désigne les personnages par la lettre « A », la jeune femme (Delphine Seyrig), « X », le héros (Giorgio Albertazzi) et « M », le maître de ce monde clos (Sacha Pitoëff). Les personnages agissent comme des automates sans conscience (cf : regards vides), ils sont déshumanisés. Parallèlement, les statues, elles, prennent vie : comme le cite J.L.Leutrat : « Si les humains se minéralisent […], la statue, elle, est animée par diverses prises de vue […] elle change d'emplacements. »
[...] On entend des voix over qui ne correspondent pas au dialogue des personnages vus à l'image (cf : des plumes blanches comme un signe Ces voix s'apparentent à des échos d'une scène qui se joue dans une autre dimension spatiale. Aussi, les travellings réguliers semblent lier les espaces parallèles entre eux. Le manoir ressemble à un théâtre de mension (représentant plusieurs scenettes jouées en même temps), avec ses couloirs longs, espaces intermédiaires entre les différentes scènes qui se jouent en parallèle. [...]
[...] Aussi, les personnages sont à l'image de l'univers : ils adoptent toujours les mêmes postures, aux mouvements lents, à la stature rigide, ils sont comme statufiés. On ne les voit jamais boire ou manger. Ils n'ont pas d'identité ni de psychologie À aucun moment dans le dialogue les deux héros sont nommés, et comme dans les autres romans de Alain Robbe-Grillet, le scénario désigne les personnages par la lettre A la jeune femme (Delphine Seyrig), X le héros (Giorgio Albertazzi) et M le maître de ce monde clos (Sacha Pitoëff). Les personnages agissent comme des automates sans conscience (cf : regards vides), ils sont déshumanisés. [...]
[...] Le discours de X reprend cette idée contradictoire: il répète à la fois je vous attendais et ensuite nous nous sommes revus [ ] c'était peut-être par hasard Souvent, la contradiction est dans la même phrase : Votre mari peut-être. Il vous cherchait, ou bien passait-il là par hasard. Par ailleurs, cette notion d'illusion de choix se matérialise par le motif du jeu en triangle En effet, ce jeu renvoie à l'aspect des multiples possibilités, mais de l'unique issue : comme le discours de M le souligne : Je peux perdre, mais je gagne toujours et en effet, quelque soit la stratégie de M gagne. [...]
[...] Cette déconstruction est aussi à l'origine des multiples interprétations du film. Le critique Jacques Brunius, par exemple, pensait que le film était la remémoration à une année d'une rencontre aux années et Néanmoins, en analysant séquence par séquence, on s'aperçoit que le nombre de remémorations d'années précédentes est multiple, car les faux raccords n'ont pas de cohérence entre les séquences de remémoration. On ne voit pas de caractéristiques précises qui montre que telle séquence est enchâssée dans une autre : par exemple, lors d'une scène d'un souvenir d'un souvenir, la fin est raccordée avec une scène au présent, et non avec la première scène du souvenir. [...]
[...] Comme le suggère la voix over de X qui dans l'introduction du film, se mêle à la voix de l'acteur de la pièce : X se confond avec l'acteur d'une histoire dont lui aussi est le pion. UN FILM MODERNE Dans L'Année Dernière à Marienbad, Resnais questionne le spectateur sur l'authenticité de ce qui est vu à l'écran. C'est une problématique moderne, en ce qu'elle est révélatrice d'un questionnement des cinéastes de la période 1960-1970 au sujet du caractère profondément manipulateur du procédé cinématographique. En effet, la question posée par André Bazin par le titre de son ouvrage Qu'est-ce que le cinéma ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture