Ferdinand de Saussure, linguiste, stipule que tout signe comporte deux faces : le signifiant et le signifié. Il définit le signe linguistique comme un rapport entre un signifiant et un signifié. Le signifiant est l'image acoustique du signe, et le signifié est le concept qui lui est associé. Nous parlons de connotation lorsqu'un signe devient lui-même le signifiant d'un autre signe. Nous avons alors deux signes imbriqués l'un dans l'autre, situés à deux niveaux différents. Un système connoté est alors un système second, dont le signifiant est lui-même construit par un autre système, celui du premier niveau, le système de la dénotation.
Nous pouvons appliquer ces théories aux systèmes sonores, notamment à la musique. En effet, de nombreuses analyses ont démontré que la musique est créatrice de sens. Comme dans la linguistique, la musique possède un pouvoir de connotation et de dénotation. Au cinéma, nous verrons que la musique peut parfois créer à elle seule le récit narratif, notamment lorsqu'un thème musical devient capable de remplacer un personnage ou une action.
Dans cette étude, nous analysons la musique au sein du cinéma de Stanley Kubrick. En effet, ses films déclinent leur singularité d'un point de vue musical. Dans Orange Mécanique, la neuvième symphonie de Beethoven symbolise les forces de vie et de mort, étant également classiquement l'incarnation de la puissance, de la grandeur et du drame humain. En outre, les compositions de Rossini incarnent le sexe et la violence. Dans Barry Lindon, nous retrouvons des partitions baroques. Dans Full Metal Jacket, de la musique rock, dans Shining, de la musique contemporaine. Nous étudierons plus précisément le denier opus du réalisateur, à savoir Eyes Wide Shut, film regorgeant de connotations musicales.
[...] Elle sépare ou lie les espaces lorsqu'il est nécessaire et permet de coordonner les changements de lieux. Avec Masked Ball, nous avons vu que le réalisateur cherche avec la musique une grandeur cérémonielle, en haussant l'acte à la dimension noble d'un rituel sacré, avec une mélodie lente en valeurs longues, créant ainsi un espace particulier. Conclusion D'un point de vue pragmatique, Ducrot stipule que l'acte de langage est l'acte qui parvient à nous faire penser. En effet, l'information se donne à travers le raisonnement que le récepteur, forcé par l'émetteur, doit construire.[34] Toutefois, point de vue du sonore, quels sont les sons pouvant avoir les mêmes effets que les éléments linguistiques de Ducrot ? [...]
[...] Référence culturelle de la musique Dans Eyes Wide Shut, la valse de Chostakovitch nous plonge en plein New York contemporain. Dans ce contexte, la valse nous ramène vers le vieux continent du début du XXe siècle, vers cet empire austro-hongrois dans lequel Arthur Schnitzler a écrit la nouvelle rêvée à la base du scénario du film. Selon Michel Ciment, cette valse associe dans son titre même les deux musiques emblématiques de ces deux cultures si différentes, l'Américaine et l'Européenne Pour illustrer la société secrète, Pook a accentué la couleur mystérieuse de sa composition (Masked Ball) à l'aide d'un chant indien. [...]
[...] Cette connotation musicale est le résultat d'un apprentissage, qui se fait au sein même de la fiction. La musique comme mouvement créateur de séquences Dans le café où se réfugie Bill, nous entendons le Musica ricercata lorsque le protagoniste lit l'article concernant l'overdose d'une prostituée, étant probablement la femme mystérieuse de l'orgie. Le morceau se prolongera jusqu'à l'arrivée de Bill à la morgue. La musique est ici créatrice narrative, émergeant à la fin de la séquence du Bar, se prolongeant jusqu'à la morgue. [...]
[...] On y entend même des sons d'accordéons, ce qui confère à la pièce une atmosphère populaire. Elle sera systématiquement liée à la vie quotidienne des Harford, constituant de la sorte un leitmotiv. Un leitmotiv, c'est une figure musicale caractéristique, associée à un personnage, un objet, une situation, un concept, un lieu, qui le représente dans le tissu orchestral. Cette notion incarne le mouvement même de la répétition qui, dans la fuite des images et des sons, délimite peu à peu un objet.[14] Un autre morceau, le Musica ricercata II de Ligeti, symbolise la société secrète. [...]
[...] En outre, nous avons tendance à associer le jazz à la fête ou au monde de la séduction, ce qui est le cas dans Eyes Wide Shut. Avec les musiques de film, nous sommes certainement plus dans la convention que dans la ressemblance, l'iconique. Toutefois, il ne faut pas négliger les attitudes corporelles mises en scène dans les fictions. En effet, la musique planante, par exemple, par la posture physique qu'elle suscite, peut être d'ordre iconique. Le morceau Masked Ball illustre éventuellement cette hypothèse car, comme nous l'avons dit, les paroles semblent émuler l'orgasme. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture