Accident est réalisé en 1967 par Joseph Losey, qui collabore pour la seconde fois avec Harold Pinter, grand dramaturge et scénariste anglais, pour l'écriture d'un scénario adaptant le roman Accident de Nicholas Mosley. Le spectateur est plongé dans un univers énigmatique et violant, le film répondant à une logique mentale mise en place par les glissements de focalisation.
[...] Stephen apparaît dans chaque scène du film, mais les évènements et les personnages ne sont pas représentés à travers ses attitudes. Pinter présente l'histoire et les personnages d'une façon froide, objective nous sommes maintenus à distance de tous les personnages, y compris de Stephen. in The films of Joseph Losey, James Palmer and Michael Riley, Cambridge University Press Philippe Pilard citant Harold Pinter in L'Univers de Joseph Losey, Cinémaction 96, sous la direction de Denitza Bantcheva in L'image-mouvement, Cinéma tome collections critique Les Éditions de Minuit Nous définissons pour l'instant ces plans non-narratifs comme de focalisation externe, mais nous verrons par la suite que la focalisation de ces plans est plus ambiguë. [...]
[...] Ici, le point de vue est omniscient puisque le spectateur assiste au comportement agressif de Stephen dont le visage prend un aspect repoussant par le grain de riz sur ses lèvres qui fait tâche et ses rictus. Contentement plus ou moins conscient de Stephen Ce glissement renvoie au spectateur les pulsions de Stephen dont lui même n'est pas conscient. Ainsi que l'explique Harold Pinter : Dans le film, tout est enfoui, implicite. Il y a très peu de dialogue, et il est la plupart du temps banal, sans grande signification. [...]
[...] Le drame se joue à l'intérieur des personnages. En observant intensément la surface lisse, on arrive à apercevoir ce qui se passe au dessous Et Losey reprend cette idée lorsqu'il dit filmer“only the inner violence of what people feel”(ibid 1). Losey met en scène une violence que les personnages tentent de refouler, mais en vain. C'est ce que Deleuze signifie lorsqu'il dit à propos de l'image-pulsion chez Losey : la violence évoque une émanation qui se dégage d'un personnage immobile et cette violence originaire, cette violence de la pulsion, va pénétrer de part en part un milieu donné, un milieu dérivé, qu'elle épuise littéralement suivant un long processus de dégradation Ainsi, c'est une violence psychologique, plus dangereuse que la violence physique car sous-jacente, que peint Losey, et qui va mener à la mort de William. [...]
[...] Vous lui écrasez le visage ! Dans ce dernier plan, le glissement de focalisation produit un effet violent puisqu'en ne montrant pas le visage écrasé, Losey suggère d'autant plus la brutalité de l'action. De même, on retrouve cet usage du hors-champ lors de la chute de Stephen dans l'eau, où l'on passe d'un plan large sur la barque avec un point de vue omniscient à un plan rapproché sur William en point de vue externe par rapport à la chute étant suggérée par le crie de Stephen hors-champ. [...]
[...] Le glissement à une focalisation externe[5] par le montage arrête le temps du récit pour le faire passer dans un temps discursif. Mais ce discours reste suggestif, énigmatique et laisse le spectateur libre de l'association et du sens de ces symboles : par exemple, la lune renvoyant aux phares, dont le blanc lumineux renvoie également à Anna, mais est-ce dans son aspect photogénique ? Anna comme l'objet attirant et éblouissant les regards, à la fois attrayant et dangereux ? Ou dans un rapprochement à un conte ? [...]
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