La séquence étudiée est extrait d'Ensayo de un crimen ou La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz, tiré du roman de Rodolfo Usigli du même nom, et réalisé au Mexique en 1955 par Louis Buñuel. Au moment de l'extrait étudié, Archibald vient d'apprendre que Carlota, la femme qu'il s'apprête à épouser le trompe avec Alejandro, un architecte marié. La séquence comprend deux scènes, celle du rêve d'Archibald lors de la nuit de noce suivi de la scène de la cérémonie du mariage entre Carlota et Archibald. Nous allons donc analyser en quoi ces deux séquences répondent à une logique de répétition et d'inversion entre elles et comment par le principe de détournement, Buñuel se réapproprie des principes du film de suspense et dénonce avec ironie la façon dont les codes sociaux et religieux peuvent cacher des vices comportementaux.
[...] Nous allons donc analyser en quoi ces deux séquences répondent à une logique de répétition et d'inversion entre elles et comment par le principe de détournement, Buñuel se réapproprie des principes du film de suspense et dénonce avec ironie la façon dont les codes sociaux et religieux peuvent cacher des vices comportementaux. La logique de répétition Un même meurtre concluant un rituel La séquence répète deux meurtres qui arrivent juste après un rituel religieux (la prière ou le mariage), comme en conclusion du rituel, et qui portent sur la même cible : Carlotta. [...]
[...] En effet, la scène de la nuit de noce, normalement lieu d'intimité, se transforme en la théâtralisation d'un rituel. Archibald met en scène Carlota dans un rituel-spectacle : il arrive vers Carlota et la dirige pour l'emmener des coulisses (la coiffeuse) à la scène où va se jouer le rituel (le lit nuptial). La théâtralisation se retrouve tout d'abord dans le décor : les nombreux voilages renvoient aux rideaux de théâtre. Ensuite, la notion de théâtralité est représentée par le respect des trois unités dans la séquence : nous sommes devant une scène avec une unité de lieu (la chambre), une unité de temps (pas d'ellipse) et une unité d'action (le rituel). [...]
[...] Le temps de deux coups de feux, la foule, bien ordonnée du début achève sa dispersion déjà déclenchée à la fin de la cérémonie. Par ailleurs, un des principes du film à suspense est de semer le doute chez le spectateur. Or comme nous l'avons vu, Buñuel joue sur l'incertitude entre le réel et le rêve, ce qui permet de relancer le suspense dans la seconde partie de la séquence ; suspense qui sera désamorcé par l'effet de surprise. Il y a donc, dans la macrostructure de l'extrait, une alternance entre tension et détente. [...]
[...] Archibald se retrouve pris à son propre jeu : le rituel qui devait lui donner source de satisfaction, se retrouve être le vecteur même de sa frustration. Ainsi, cette séquence organisée en diptyque reprend les thèmes chers à Buñuel : l'ironie face aux clichés religieux cachant une perversion, l'humour noir du renversement ironique d'un désir de meurtre frustré, la passion fétichiste ainsi qu'un plaisir non dissimulé à jouer avec l'incertitude du spectateur entre rêve et réalité. Cet extrait est donc représentatif des principes que Buñuel a su garder de ses rencontres surréalistes : l'humour et le détournement. in Genres et mouvements au cinéma, Vincent Pinel, Coll. [...]
[...] Par ailleurs, ce principe d'incertitude est renforcé par la mise en scène classique et naturaliste qui est utilisée pour les deux séquences. En effet, le rituel dans la chambre est éclairé de façon naturaliste (à un moment, Archibald se retrouve triplé par trois ombres diffuses et inégales qui renvoient à une lumière non travaillée) qui se distingue de l'éclairage contrasté, quasi expressionniste (notamment par cette grande ombre étalée quand Archibald repart vers sa voiture) des plans renvoyant au réel d'Archibald fantasmant dans la nuit. Ici la scène du rêve paraît plus réelle que la réalité. [...]
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