A Bout de Souffle, film manifeste de la Nouvelle Vague, est classé dans le genre du film noir, et peut s'analyser sous les catégories du policier. Godard s'inspire librement du canevas des films noirs classiques, mais il déconstruit le genre et ses codes cinématographiques, et pose les bases de la modernité au cinéma. Nous analyserons en quoi A Bout de souffle relève du genre policier, avant d'étudier par quoi il s'en écarte, et comment Godard déconstruit le genre. Dans un dernier temps, nous verrons que les codes du genre policier sont détournés dans une véritable ode à l'amour, une déclaration d'amour au cinéma, et une définition de la modernité.
[...] La vocation du film est aussi réaliste et les allers-retours entre policier et documentaire sont constants. Ainsi, certains aspects fondamentaux à la définition du genre policier sont absents du film, comme le suspense et le mystère, et les codes présents sont subvertis par Godard et tiraillés par l'aspect réaliste du film, presque documentaire. Mais la déconstruction des codes du policier servent un autre propos, et permettent à Godard de signer une ode à l'amour et une déclaration d'amour au cinéma. [...]
[...] Ainsi l'intrigue amoureuse (Patricia l'aime-t- elle prend le pas sur l'intrigue policière et une bonne partie du film laisse de côté cette dernière. D'autre part, le meurtre commis par Poiccard trouve peu de justifications tel qu'il est présenté, et s'apparente presque à un crime gratuit, d'autant qu'il ne sert pas de révélateur à la psychologie du jeune homme. Par ailleurs, nous suivons uniquement le personnage de Poiccard et l'absence de montage alterné sur l'avancée des policiers désamorce le suspense. Ainsi l'intrigue policière est réduite au minimum, apparaît périphérique, et le film ne présente ni mystère, ni suspense. [...]
[...] Mais Godard montre qu'en 1960, en France, ce cinéma-là n'est plus possible. Patricia est bien une femme fatale dans le sens où elle conduit Poiccard à la mort, mais c'est aussi une jeune femme du début des années soixante, aux cheveux courts et à la sexualité libérée. Les codes du film noir sont convoqués, et travaillés pour exprimer le mouvement de la vie, ce réalisme ontologique que souhaitait Bazin, et Godard invente une nouvelle grammaire (jump-cut, décors et lumière naturels . ) pour embrasser la modernité. [...]
[...] Un film policier Si l'on suit la définition du genre policier proposée par O. Philippe dans Le Film policier français contemporain, À Bout de Souffle répond aux critères fondamentaux. Si le film n'est pas adapté d'un roman policier (caractéristique non nécessaire, selon l'auteur), mais adapté d'un scénario écrit par Truffaut, il met bien les trois actants en présence, l'agresseur, Michel Poiccard, la victime, un policier, et le défenseur de l'ordre, incarné par l'inspecteur, réunis par l'acte délictueux, à savoir le meurtre du policier par Poiccard. [...]
[...] Les références textuelles telles que les néons ou les gros titres Nous sommes des morts en permission déchiffrés sur les façades, posent certes des jalons dans la chasse à l'homme à laquelle on assiste, mais rappellent constamment la présence de l'auteur qui les donne à lire, du cinéaste qui fait œuvre. Ainsi A Bout de Souffle est un film policier par certains aspects, mais les codes du genre sont entièrement détournés, afin d'écrire une ode à l'amour et la jeunesse, de rendre hommage à un cinéma qui n'est déjà plus, et d'inventer par-là même la modernité cinématographique, en s'affirmant comme un auteur. Bien des cinéastes se coulent dans le genre du policier et font œuvre d'auteur, tel Truffaut dans Vivement Dimanche. [...]
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