Il relève autant du journal intime que du pamphlet politique, et le ton
intimiste conféré par le point de vue très personnel de l'auteur s'élargit vers un
constat social par son aspect documentaire. Le film s'ouvre en effet sur des
souvenirs d'enfance Pialat, et le commentaire, ayant pour point de départ cette
histoire intime, étend le discours au malaise de toute une tranche de la société
française. Sa prise de position l'amène ensuite à dresser un portrait documenté de
ces quartiers : le film est construit autour de faits réels, et son matériau provient de
plusieurs banlieues différentes. Pialat donne par contre à ce matériau une unité qui
permet de prendre conscience que ce qu'il dépeint dépasse largement le cadre de
l'expérience personnelle. Il s'agit bien là d'un phénomène et non d'un cas isolé.
L'image de Pialat constitue quand à elle un sous-récit poétique de son
discours; elle illustre le commentaire en voix off, qui présente de son côté une
qualité littéraire presque autonome. Mais les images se voient aussi, par un
mouvement de va-et-vient entre elles et le texte, dedoublées par ce commentaire
qui en épaissit le sens. La fluidité du texte et les images qui s'entrchoquent se
parlent, se complètent, mais sont chacunes riches en significations intrinsèques.
[...] Le film est une réflexion sur le rôle social de l'architecture et de l'urbanisme ainsi que sur leur incidence sur les conditions de vie, en tant que miroir de la condition sociale. L'Amour existe a le mérite de ramener les banlieues françaises des années 60 à ce qu'elles sont : une énorme erreur d'urbanisme. À la lumière de ce que l'on constate aujourd'hui, à savoir l'effritement du tissu social dans ces agglomérations, un retour sur la misère morale qui sévissait dans ces endroits il y a déjà preque 50 ans n'est pas superflu. Et le film de Pialat n'a aujourd'hui rien perdu de sa pertinence. [...]
[...] Où seront les guinguettes, les fritures de Suresnes ? Paris ne s'accordera plus aux airs d'accordéon.” Ce dernier plan d'enfants jouant dans une rue déserte annonce le devenir des banlieues, qui est aussi le présent du film, où la vie a fait place à un simulacre de vie, empreint de grisaille et de désirs étouffés. L'apparition quasi spontanée des fameuses “barres d'immeubles” caractéristiques de la banlieue “moderne” nous propulse dans un univers où l'ennnui et l'isolement sont organisées, où bonheur sera décidé dans les bureaux d'études”. [...]
[...] Le film, au-delà de sa mission didactique première, est un poème sur l'absence, les relations, la distance. Mais le train agit comme un trait d'union entre le près et le lointain, et non comme une frontière entre la vie et les gens. La ségrégation sociale que subissent les habitants de banlieue court le long des rails de L'Amour existe. Le train revient comme un leitmotiv lancinant, renvoyant ces hommes et ces femmes à leur condition de travailleurs exploités, réduits à n'espérer autre chose “qu'une p'tite vie bien tranquille”. [...]
[...] ] Les entrepreneurs entretiennent la nostalgie des travaux effectués pour le compte de l'organisation Todt.” Le motif du train se retrouve aussi dans Pacific 231, hymne de Jean Mitry à la locomotive à vapeur, sur une musique d'Arthur Honegger. Ce court-métrage expérimental en fait le héros du film, le récit étant centré sur sa glorification. La locomotive figure ici, par métonymie, le miracle de l'industrialisation, où tous les possibles s'offrent à l'homme, l'objet étant mis en scène comme un symbole du génie humain. [...]
[...] Mais les images se voient aussi, par un mouvement de va-et-vient entre elles et le texte, dedoublées par ce commentaire qui en épaissit le sens. La fluidité du texte et les images qui s'entrchoquent se parlent, se complètent, mais sont chacunes riches en significations intrinsèques. Place du film dans l'histoire du documentaire Contemporain du cinéma direct, avec qui il partage l'utilisation d'un équipement léger et la préférence pour le travail en équipe réduite, L'Amour existe prend à plusieurs égards le contrepied de ce genre nouveau. [...]
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