Cinéaste maintenant reconnu et adulé à travers le monde entier, Stanley Kubrick a dû imposer son style particulier et son goût pour l'indépendance pendant de longues années avant d'obtenir un statut qui lui convenait et lui permettait de laisser libre court à son génie créateur. Inscrit dans la modernité par son style original, son utilisation de la caméra, de la musique, il a aussi brillé par son intelligence et la pertinence des thèmes qu'il a représentés. La dualité, qu'elle soit sur un champ de bataille ou dans un esprit torturé, est d'actualité dans chacune de ses oeuvres, et chacun de ses films fut un peu un film de guerre, où l'ennemi ne se trouve jamais là où on l'attend. Dans sa manie de déstabiliser le spectateur se retrouve aussi une véritable soif de dénonciation.
Pour parler de ce cinéaste et l'inscrire dans l'époque moderne du cinéma, où il a définitivement sa place, nous allons parler de son septième film, la fiction aux idées antimilitaristes Les Sentiers de la Gloire. Tourné en 1957 en noir et blanc, produit tant bien que mal et avec l'aide de leur acteur principal la grande star Kirk Douglas, ce film raconte l'histoire d'une guerre entre des soldats français et leurs supérieurs, plus qu'entre français et allemands. D'une grande intensité par sa mise en scène sobre et retenue et une utilisation idéale des acteurs et de la musique, ce film reste un chef d'oeuvre du film de guerre, qui semblait être le genre favori de Kubrick. En effet, c'est quatre ans après Fear and Desire (où un groupe de soldats s'écrase en avion dans le camp ennemi et tente de rentrer chez lui) que Kubrick tourne ses Sentiers. Qui sera suivi trois ans plus tard de Spartacus, mettant en scène des "soldats romains" pendant l'Antiquité, et bien plus tard, Kubrick renchérira sur ce thème officiellement avec Docteur Folamour ou Full Metal Jacket.
[...] Une façon particulière de filmer L'assaut L'autre particularité frappante de ce film de guerre est sa façon de filmer l'assaut. Contrairement au cliché du film de genre ou la caméra se fait soldat au milieu de la mêlée pour capter le désordre et la folie de la guerre, ici Kubrick a choisi de presque tout filmer en travellings latéraux. De longs travellings froids et sordides dont émane à coup sûr l'absurdité et l'issue de la guerre. Dax parcourt les tranchées, le regard grave. [...]
[...] Ils décident du sort de chacun sans états d'âme, font fusiller des survivants dans une ambiance bon enfant et Mireau est même capable d'ordonner le bombardement de ses propres lignes. L'opposition générale du film est donc basée sur les Français, petit peuple et soldats, et d'autres Français, leurs supérieurs. Kubrick a pour ambition de dénoncer l'absurdité de la guerre, et cette dénonciation doit passer par là. Le film s'ouvre sur des plans de la cour du château, où Broulard rend visite à Mireau. Ils s'échangent des commentaires courtois sur le mobilier et Broulard ne manque pas de flatter Mireau pour arriver à ses fins. [...]
[...] Dans le film, il est question de deux généraux: Broulard et Mireau. Broulard propose une promotion à Mireau si celui-ci prend d'assaut la Fourmilière, détenue par les Allemands. Celui-ci d'abord réticent balaye ses scrupules et confie l'assaut (qu'il sait pourtant voué à l'échec) au Colonel Dax, brillamment interprété par Kirk Douglas, et à son régiment. L'assaut étant un véritable carnage et les soldats tombant les uns après les autres, les survivants battent en retraite. Furieux, le général Mireau ordonne à l'artillerie de bombarder ses propres lignes, mais le capitaine Rousseau refuse sans un commandement écrit. [...]
[...] Rassuré, Dax apprend alors qu'on les appelle sur le front. Le film se termine ainsi. Thématique d'opposition, récurrente dans le film Le premier détail très frappant de ce film est la totale absence de l'ennemi allemand. En effet, on ne croise pas un seul soldat allemand durant toute la totalité du récit. Le seul personnage allemand n'est pas un militaire, donc un ennemi à proprement parlé, mais plutôt elle aussi une victime de la guerre, la jeune prisonnière allemande qui chante à la fin du film. [...]
[...] Une citation à Max Ophüls, admiré par Kubrick et décédé pendant le tournage des Sentiers. La scène du début où Mireau et Broulard se tournent autour est dédiée à Ophüls. On dit aussi que les travellings fluides de Kubrick lui auraient été inspirés par ce réalisateur. On retrouve aussi dans Les Sentiers de La Gloire des similitudes avec le film de Pabst, Westfront 1918, réalisé en 1930 (Quatre de l'infanterie en version française). question est de savoir si l'on donne au public quelque chose qui vise à le rendre plus heureux, ou quelque chose qui corresponde à la vérité du sujet.» Sur cette citation de Kubrick peut s'ouvrir une réflexion sur le rôle du cinéma moderne. [...]
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