Skritek, Milos Forman, cinéma contemporain, cinéma tchèque, Lutin
Tomáš Vorel est un réalisateur, scénariste et acteur tchèque né en 1957 à Prague.
Son œuvre s'inscrit dans la continuité d'un cinéma national fécond nourri par une histoire mouvementée.
Par sa franchise, rendue possible grâce à un assouplissement du contrôle politique, et la qualité de ses films, le miracle tchèque, dépasse rapidement les frontières de l'ex-Tchécoslovaquie.
Considérés comme les acteurs d'une Nouvelle-Vague de l'Est, de nombreux cinéastes souvent issus l'Académie des arts cinématographiques s'éloignent peu à peu du réalisme socialiste pour proposer des satires sociales mordantes influencées par le Kino-Pravda de Dziga Vertov.
Aussi, des réalisateurs comme Miloš Forman ou Ivan Passer deviennent des emblèmes de la contre-culture des années soixante avant d'être contraint de s'exiler après les évènements du Pražská jar en 1968 à l'instar de grands intellectuels comme Milan Kundera.
La chute du rideau de fer le 16 novembre 1989 sonne le glas du régime communiste. Et une dizaine d'années plus tard émerge un cinéma marqué par la désillusion d'un modèle qui n'a pas tenu ses promesses (GoodBye Lenine Wolfang Becker, 2002...)
Skritek est le sixième film de Tomáš Vorel. Il se présente comme une farce burlesque. Cette satire à l'humour grinçant sortie en 2005 dresse le portrait d'une société moderne dans laquelle les valeurs communistes ont éclaté pour être remplacées par un individualisme sauvage.
[...] Le point de vue sur la société Tchèque permet au spectateur de se faire une idée des moeurs du pays. Pourtant entre le supermarché, les immeubles gris, l'abattoir, chaque élément de la ville pourrait se trouver ailleurs, dans une autre ville, un autre pays mondialisé qui ressemble à ses voisins. Critique acerbe du consumérisme et de la mondialisation qui peut rappeler celle de Jacques Tati qui véhicule avec poésie l'entrée de la France dans les trente glorieuses, ce moment si particulier de mutation où l'ancien monde côtoie le nouveau. [...]
[...] Il sort de la forêt. Bien que n'appartenant pas à la cellule familiale, héros collectif du film, il se mêle de tout. Ce lutin est peut être l'héritier de Gottsein, un lutin tchèque originaire de la région de Karlovy Vary (le film a d'ailleurs été nominé au festival international de Karlovy Vary.) Dans un pays qui compte soixante dix pourcent d'athées ce personnage du lutin témoigne peut être d'un attachement de ses habitants aux anciennes légendes païennes plus qu'à la religion. [...]
[...] La mère, ménagère de plus de quarante ans dépressive et usée par la vie. Caissière de son état, elle est obsédée par le désir de retrouver sa jeunesse. L'adolescent est un skateur chevelu, végétarien et fumeur de joint qui entreprend des études de boucher pour faire plaisir à son père. La petite fille dans son monde d'enfant qui dessine un oiseau sur le tableau sous le regard noir du professeur fait souffler sur sa classe un air de Prévert. La pantomime des acteurs est accompagnée de bruitage rappelant les onomatopées des bandes dessinées tandis que le lutin est toujours accompagné d'une mélodie sautillante du groupe MIG 21. [...]
[...] Entre Tati et Prévert, Métropolis et Les temps Modernes, Skřítek est un hybride entre Delicatessen et Mon oncle : une cascade de gags colorées qui tient le spectateur en haleine. Le spectateur vit une expérience filmique unique et novatrice de laquelle il ne ressort indemne. En effet l'identification aux personnages est forte. Le réalisateur a donc su créer des personnages qui incarnent des stéréotypes tout en restant attachant et définitivement humain. Comme la gueule de bois d'après la fête de la chute du mur, ce jeune cinéma impertinent s'interroge sur le devenir d'une société capitaliste qui n'a pas fait ses preuves. [...]
[...] L'exagération, la violence improbable (l'adolescent qui casse le miroir en perçant ses boutons ou la petite fille qui passe sous un camion dès les premières séquences), l'établissement de personnages types, presque clichés représentants les différents âges de la vie et leur différentes fonctions sociales, font du film une farce héritière de celles de la commedia dell arte aux rebondissements incessants. Aussi, par le mode de jeu grotesque et presque caricatural des acteurs, une dimension cartoonesque accentuée par des codes filmiques du burlesque (fermeture à l'iris, gags . ) qui pourrait faire penser à celle des Simpson. [...]
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