Ce film de 1930, plongé dans l'époque surréaliste et n'en faisant pourtant pas partie, est une oeuvre très personnelle aux possibilités d'interprétations multiples. Produit par le mécène le Comte de Noailles, qui produit en même temps l'oeuvre phare de la carrière de Buñuel, L'âge d'Or, Le sang d'un poète, emmené par Cocteau, s'engage dans les voies de l'imagination et de l'irréel, du phantasme et de l'allégorie, s'attachant à montrer, plus qu'à traduire, les différents stades émotifs et ressentis du poète, sa douleur, particulièrement, et sa mort, libératrice et superbe, plus une transition qu'une fatalité.
Après un regard plus précis et analytique, peut-on dire que cette oeuvre a des liens avec l'onirisme? Quels sont les passages du film pouvant être rattachés au monde du rêve? Quelles étaient les intentions de Cocteau, et comment le spectateur réagit-il à la vue de l'oeuvre...
[...] La vision est très sollicitée. Ainsi que l'ouïe, les paroles de la statue, notamment, ont un impact conséquent sur le déroulement des situations. Le rêve est aussi, malgré un scénario parfois très élaboré, une succession d'actions subies ou produites qui n'ont apparemment pas de liens ni de raisons d'êtres, qui s'avèrent absurdes, tout comme des fréquents changements de lieux plus absurdes les uns que les autres. C'est un monde illogique, où tout devient surprise, au point d'en être parfois oppressant. [...]
[...] Enfin la vérité froide se révéla: J'étais mort sans surprise, et la terrible aurore M'enveloppait. Eh quoi! n'est-ce donc que cela? La toile était levée et j'attendais encore." II/ Réalisme Irréel Et il nous semble alors tout à fait normal que Jean Cocteau exprime l'idée de "rêve" à son tour lorsqu'il parle de son film, nous amenant sur la pente douce de son bien aimé réalisme irréel, où toute frontière se fait infime, si infime que presque imperceptible, un nouveau monde se crée, le sien, le nôtre, le vôtre . [...]
[...] Observés par l'Ami vêtu d'un costume Louis XV et ne bougeant qu'au ralenti, ils se disputent la victoire, alors que l'enfant mort gis toujours sous leur table. Au-dessus d'eux, de riches personnes investissent les balcons et semblent s'attendrent à assister à un spectacle. La statue déclarant que le poète est perdu dans l'As de coeur, celui-ci substitue celui de l'enfant, chose illogique et particulièrement inattendue. D'un grand escalier majestueux descend alors un ange aux ailes métalliques et singulières, un ange à la peau noire et au corps parfait. [...]
[...] Venant chercher l'enfant qu'il absorbe, il apparaît alors blanc grâce à un procédé de négatif. Récupérant l'as de coeur qu'il avait pris à l'enfant, l'Ange Délivreur condamne le poète à la mort. Il s'éloigne, suivi du regard par l'ami qui s'inquiète. La femme statue s'évente avec un éventail à l'aspect métallique et fixe le poète d'un air inquisiteur. Celui-ci sort son pistolet et met définitivement fin à ses jours, cette fois, et l'impact de la balle a la forme d'une étoile. [...]
[...] On verra un jour que ce réalisme est le plus distinctif de notre époque. François-Régis Bastide.) Conclusion Pari audacieux pour le grand poète irréaliste. Partage du rêve, de ses désirs, acte courageux que de mettre le rêve en image, le cauchemar aussi. Pari tenu, cette oeuvre n'est que rêve, n'est qu'absurde et beauté mystique. Avec l'image de la muse éteinte, statue sans bras ne pouvant utiliser sa harpe, se dessine les contours du visage de celui qui a terminé son rêve et peut vaquer à d'autres occupations. [...]
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