Il y a quelque chose de léger dans "À propos de Nice". Ça virevolte, ça glisse, ça bouge tout le temps. Cette sensation de perpétuel tournoiement qui m'évoque ce que j'avais ressenti devant "Quand passent les cigognes", sauf que Jean Vigo tourne son film plus de vingt ans avant Kalatozov. La
caméra semble danser, et suivre le regard de Boris Kaufman au gré de ses impulsions. Les images respirent la liberté de ton, de cadrage, ne suivant même pas la frontière ancestrale qui existe entre fiction et documentaire (a-t-elle existé un jour ?).
[...] Et c'est ainsi que Vigo crée une sorte d'ironie dramatique dans un contexte où on ne l'attendait pas. Ces gens s'amusent, paraissent plus vivants que jamais. Mais ils vont mourir. Comme tout. Comme on brûle en riant les masques et les chars du carnaval. C'est toujours à ce moment-là que je commence à pleurer. Les masques brûlent et les hommes rient, comme s'ils ignoraient que c'est leur propre destin qu'ils sont en train d'observer. Ils rient, et c'est triste. C'est tragique. C'est con. [...]
[...] Critique de propos de Nice", de Jean Vigo CRITIQUE A PROPOS DE NICE Jean Vigo (1930) Quelle belle ville que Nice ! Les palmiers, le soleil, la mer, le carnaval Une véritable carte postale ou presque. C'est l'histoire d'un film qui réussit à m'émouvoir aux larmes en moins de vingt minutes, après m'avoir fait rire aux éclats. Et ce à chaque fois. Sans une histoire, sans un personnage, seulement par ses images, ses nombreuses images, disparates, anecdotiques, hétéroclites. Et surtout par son montage subtil, intelligent, poignant. [...]
[...] Comme toujours chez Jean Vigo. Quelque chose cloche surtout quand tout à l'air d'aller bien. Le monde est instable, il penche vers la destruction, comme ses bâtiments filmés de travers. La fête n'est qu'une façade pour oublier. Comme Pascal, A propos de Nice nous dit que le divertissement ne parvient qu'à nous faire oublier notre condition humaine. Car derrière les touristes nous découvrons la misère. La misère qu'on ne veut pas voir, la misère qu'on préfèrerait oublier. Et derrière les instants de fêtes, il y a le souvenir de la guerre, qu'on aimerait garder au loin, comme ces navires de guerre au large qui semble narguer les danseuses de French Cancan. [...]
[...] C'est totalement artificiel bien sûr, rien ne relie une image à l'autre, mais nous n'y pouvons rien, nous comprenons immédiatement la comparaison, l'idée transmise. Magnifique démonstration des formidables pouvoirs du montage. Remarquable sens du gag. Tout à coup, une scène complètement surréaliste, digne de Bunuel : une femme change plusieurs fois de tenues avant de se retrouver nue, un cireur de chaussures frotte des pieds nus. L'effet de surprise est parfaitement réussi. Ça fait rire et ça interroge à la fois. Et la carte postale se transforme en critique acerbe. Critique de cette société photocopiée. [...]
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