L'esquive s'inscrit clairement dans un contexte qui appelle le fantôme du néo-réalisme dans dans la mesure où elle se situe dans un environnement urbain et humain bien spécifiques.
[...] La voiture volée, la drogue cachée, la délinquance présumée justifient une brutalité contre laquelle il est inutile de résister. Le style esthétique de chaque courant cinématographique est incontestablement influencé par un contexte historique marqué : ainsi dans un monde qui après la révolution industrielle tend au capitalisme, les images d'Eisenstein dans La ligne générale expriment le désespoir du prolétariat soumis à la domination de la bourgeoisie; l'expressionnisme allemand des années vingt contient l'angoisse du monde chaotique de l'entre-deux guerres par ses ombres menaçantes; la Nouvelle Vague française se démarque d'un académisme par l'audace des dialogues et de la mise en scène, et porte par la suite les revendications des années soixante. [...]
[...] La distance est établie d'avance par le décor: tout le monde sait bien qu'on ne parle pas ici, en banlieue, de la même manière que chez moi dans le centre ville huppé de Paris ou bien dans la campagne profonde. Ce qui de toute évidence n'empêche pas les personnages du film d'exprimer des aspirations et des espoirs qui peuvent être aussi ceux de n'importe quel autre collégien. Les histoires d'amour et de jalousie se passent comme partout ailleurs, dans un quotidien banal qui peut aussi être celui d'un quartier de banlieue parisienne. Si la banalité quotidienne a tant d'importance, c'est parce que, soumise à des schémas sensori-moteurs automatiques et déjà montés, elle est d'autant plus susceptible [ . [...]
[...] A coups de matraquages médiatiques sur la violence dans les banlieues, il se construit une sorte de mythe terrifiant, celui du jeune délinquant qui brûle les voitures, de la bande de voyous qui agresse les grand-mères et qui occupe les cages d'escalier attendant sa prochaine victime. Cette image constamment entretenue s'est enracinée dans l'inconscient collectif et trouve précisément sa signification dans la séquence de l'intervention des policiers, où les jeunes sont les victimes innocentes de 7 représentations caricaturales suffisant à faire d'eux les coupables qu'on voudrait qu'ils soient. [...]
[...] ] d'échapper soudain aux lois de ce schématisme et de se révéler elle-même dans une nudité, une crudité Ce que Gilles Deleuze appelle banalité quotidienne dans le cadre du néo-réalisme italien tient à l'absence d'actions spectaculaires qui dans la définition du concept de l'image-mouvement désignent le cinéma classique hollywoodien dont la nature entraîne une réaction du spectateur par rapport à l'action. L'absence de ce déroulement classique dévoile donc, selon Deleuze, une autre force de l'image; dénudée, elle exprime quelque chose de plus profond. Le quotidien présenté dans L'esquive est tout à fait banal, le lieu dans lequel les personnages évoluent est un espace réel. L'image qu'il en donne dans le film renvoie donc à une représentation plus profonde. Ce sont les clichés courants d'une époque ou d'un moment, slogans sonores et visuels[ . [...]
[...] Une vraisemblance qui passe notamment et surtout par le décor. Comme Gilles Deleuze le décrit, néo réalisme fait proliférer les espaces quelconques, cancer urbain, terrains vagues, qui s'opposent aux espaces déterminés de l'ancien réalisme. Et ce qui monte à l'horizon, ce qui se profile dans ce monde, ce qui va s'imposer dans un troisième moment, ce n'est même pas la réalité crue, mais sa doublure, le règne des clichés, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, dans la tête et le coeur des gens autant que dans l'espace tout entier. [...]
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