« Si c'est accroché au mur, c'est une peinture; si on peut en faire le tour, c'est une sculpture »: c'est ainsi qu'un célèbre écrivain anglais voyait l'art moderne. Cette formule ingénieuse révèle une des caractéristiques fondamentales de ce dernier: son inintelligibilité; ou plutôt, sa sur-signification, son sens multiple. Car l'art moderne permet autant de significations qu'il y a des spectateurs. Il laisse chacun libre de découvrir ce qu'il aimerait y découvrir. Il transforme ainsi toute personne en créateur, l'obligeant de remplir de contenu une forme vidée de sens imposé. L'art moderne est un art à personnaliser.
Jean-Luc Godard est un de ses représentants. Il fait du cinéma, ce qui vient dire qu'il est metteur en scène, écrivain, peintre, critique, philosophe et historien à la fois. Car un autre trait caractéristique de l'art moderne est l'impossibilité de l'enfermer dans un moule bien défini. Ses différentes branches s'entremêlent tant et si bien que tout est dans tout.
[...] Les images d'en face illustrent également ce conflit : en haut, un Arabe tient un fusil ; on ne voit rien de son visage, il n'a pas de visage, il incarne tous les autres et tout est dans l'ombre ; en bas, difficile à discerner, on dirait une blessure de guerre filmée de très près. La seule couleur dans les deux images et le rouge, celle du sang ; le fusil y baigne. Les deux pages suivantes non seulement élargissent le conflit à l'échelle mondiale mais le prolongent dans le temps. La première moitié du texte poursuit l'idée de l'impuissance de la philosophie. Elle ne peut empêcher le déclin de l'histoire avec du gris sur le gris, elle peut uniquement en faire le compte-rendu. [...]
[...] Grâce à lui, Histoire(s) du cinéma lance au monde un défi, dès la première seconde, dès le titre contenant ce pluriel hésitant. Défi à l'intelligence, à la culture générale, à la patience. C'est pour faire face à ce défi que nous allons essayer d'analyser quelques pages du film. Et encore, sans nous faire trop d'allusions sur le mot «analyser Il est peu d'œuvres qui laissent le spectateur (le lecteur) aussi perplexe et aussi impuissant de capter la moindre ombre de sens, parfois. [...]
[...] Histoire(s) du cinéma de J.- L. Godard Si c'est accroché au mur, c'est une peinture ; si on peut en faire le tour, c'est une sculpture : c'est ainsi qu'un célèbre écrivain anglais voyait l'art moderne. Cette formule ingénieuse révèle une des caractéristiques fondamentales de ce dernier : son inintelligibilité ; ou plutôt, sa sur-signification, son sens multiple. Car l'art moderne permet autant de significations qu'il y a des spectateurs. Il laisse chacun libre de découvrir ce qu'il aimerait y découvrir. [...]
[...] Impuissance non seulement de la philosophie mais de l'art en général, ajoute la page 272. Dans nos livres, nous n'arrivons jamais à mettre de la réalité ; il est même douteux que nous puissions mettre de la réalité dans la réalité même. Alors, tout est livre, tout est texte, reflet mensonger, et la réalité tout simplement n'existe pas, ou bien elle reste inconnue et inaccessible pour nous. Tout ce que l'artiste peut faire c'est mettre de la fiction dans la fiction ; et c'est ce que fait Godard en munissant de livres les deux femmes peintes à la page 273. [...]
[...] Le cinéma, pour sa part, est une saturation de signes qui baignent dans la clarté de leur absence d'explication Voilà pourquoi, notre étude n'a rien éclairci mais elle a juste, peut- être, rendu compte de la présence des signes parmi nous. On a beau épier des yeux Histoire(s) du cinéma : le sens de l'œuvre se dérobe, mystérieux comme les paroles d'un oracle. Mais c'est la rage à briser les formes et les signes, l'obstination à mélanger les couleurs et les lignes, qui engendre parfois la beauté. [...]
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