« Sacrée "Grande Illusion" ! Je lui dois probablement ma réputation. Je lui dois aussi bien des malentendus » (Jean Renoir) : sorti en 1937 en pleine crise européenne marquée par la montée des totalitarismes, ce film est sans conteste l'un des chefs-d'œuvre du cinéma français de la période du Front populaire.
Il fut d'ailleurs élu meilleur film français de tous les temps au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale. Bien que l'aventure se passe pendant la guerre de 1914-1918, François Truffaut considère qu'elle demeure d'une « éternelle actualité » encore de nos jours. Œuvre complexe, tant du point de vue du fond que de la forme, "La Grande Illusion" met en relief la vision contradictoire des hommes et du monde dans les sociétés européennes des années 1930.
Cette époque correspond à l'une des périodes les plus intenses de la vie du cinéaste Jean Renoir, le fils du célèbre peintre Auguste Renoir. Marqué par les événements qui secouent la France et l'Europe, il réalise sept films en l'espace de trois ans. Contacté en 1935 par les Communistes pour lui fournir les spectateurs populaires qu'il n'a pas, il devient leur allié, mettant son art au service du Parti, supervisant même des films de propagande pour ce mouvement.
[...] en espérant que c'est la dernière. Rosenthal : Ah, tu te fais des illusions ! La Grande Illusion c'est par conséquent avant tout l'idée fausse que la Grande Guerre serait la dernière ; le fait qu'ayant à peine traversé la frontière Maréchal et Rosenthal pensent déjà à reprendre le combat n'en est que plus significatif. Paradoxalement, la guerre permet de transcender les différences : Maréchal met de côté son antisémitisme, dépasse les clivages nationaux et linguistiques pour nouer une relation avec Elsa. [...]
[...] La Grande Illusion est au final très bien perçu pour le message universel qu'il veut faire passer. III) La grande illusion : un message universel en faveur de la paix Marqué par le Front Populaire, La Grande Illusion est porteur d'un message humaniste et pacifiste, à l'heure où l'Europe doit faire face sur son sol à la montée des totalitarismes. L'humanisme renoirien face à la montée des totalitarismes La Grande Illusion est unique en son genre, ne montrant aucune scène de combat, ce qui permet à ses producteurs de se concentrer sur la question de l'Individu en soi. [...]
[...] Un vrai pacifiste, c'est un Français, un Américain ou un Allemand authentiques : convaincu qu'un jour viendra où un terrain d'entente sera trouvé entre les diverses nations, Renoir considère que la guerre est avant tout un moyen pour ronger la conscience humaine A l'heure où l'Allemagne appuie les divisions rebelles de Franco, il dévoile son pacifisme en dressant un riche tableau de ce pays où d'ailleurs se déroule presque tout le film. A ce sujet, l'évasion de Maréchal et de Rosenthal est un prétexte qui permet une longue radiographie de l'Allemagne rurale montrent que les veuves vivent là-bas les mêmes chagrins que les Français, et que nation ne signifie plus rien lorsque maris et frères sont morts. Pourtant, Renoir exprime sa conviction qu'une résistance est possible. Pour se faire, il montre que le moyen est l'exaltation de gestes d'opposition (ici l'évasion). [...]
[...] La fraternité entre les peuples est possible. Renoir multiplie d'ailleurs les gestes de courtoisie ou d'amitié entre les adversaires. L'individu est toujours à sauver et, dans le collectif, ce qui sera sauvé passe inévitablement par l'individu. Le Mal (autrement dit les frontières, la guerre) viennent des structures de la société humaine, nées de la diversité humaine (qu'elle soit de classe, de races ou autres). Jusqu'ici cette diversité n'a été cause que de conflits sanglants. Un jour, peut-être, elle engendrera l'harmonie, une harmonie qui d'ailleurs serait en accord avec la Nature, comme le montre les propos de Gabin sur la vache de la ferme, née dans le Wurtemberg [et non] dans le XXe à Paris mais [qui sent pourtant] comme les vaches de [son] grand- père A travers l'image positive qu'il donne de l'Allemagne, Renoir réfute l'idée que dans l'ère des masses, la volonté commune ne peut pas avoir d'effets sur le fil des événements. [...]
[...] Leur complicité révèle la solidarité d'une classe sociale qui se sait menacée. En effet, chevaliers des temps révolus, ils sont tous deux conscients que l'heure de gloire de l'aristocratie est finie, l'émergence d'un nouvel ordre social dominé par les masses rendant impossible sa survie quelque soit l'issue de la guerre ils ont cependant deux attitudes différentes face à cette évolution. De Boëldieu semble être ainsi beaucoup moins nostalgique du XIXème siècle que von Rauffenstein, véritable conservateur bismarckien qui ne cesse de se lamenter à cause des jolis cadeaux de la Révolution Française Renoir renforce l'idée du début d'une nouvelle ère à travers le fait que seuls Rosenthal et Maréchal s'échappent, tandis que von Rauffenstein se voit forcé de tuer de Boëldieu, par devoir. [...]
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