Etude du son et de la voix, Sailor et Lula, David Lynch, 1990, Palme d’or, éléments visuels, éléments sonores
Sailor et Lula (1990) est le cinquième film de David Lynch. Il reçoit à Cannes la Palme d'or sous la présidence de Bernardo Bertolucci. Pourtant, l'accueil critique du film en France est plutôt négatif. Seul le magazine Positif fait une place particulière à la sortie du film, accordant même plusieurs pages à son réalisateur et un entretien mené par Michel Ciment et Hubert Niogret. Nous citons quelques passages de l'article de Christophe Libilbehety, La caméra dans l'oreille : David Lynch halluciné qui nous semblent particulièrement intéressants. Parce que Dune (1984) fût un échec et que Eraserhead (1977) et Elephant Man (1980) semblent n'être que de lointains souvenirs de la genèse de l'œuvre d'un cinéaste pourtant promis aux gros budgets de studios, l'auteur de l'article juge de bon ton de considérer Blue Velvet (1986) et donc Sailor et Lula comme les représentants d'un nouveau Lynch. C'est qu'entre temps le réalisateur s'est installé à Los Angeles et plutôt que de faire du cinéma son moyen d'expression majeur, il s'est consacré à la peinture et à la musique. Cette particularité est décisive.
[...] Les miroirs jouent un rôle important dans la correspondance inversée[5] qu'entretiennent les hommes et les objets dans Sailor et Lula. En effet dès le début du film une relation à distance étrange se crée entre la mère et la fille. Après avoir fait l'amour à Sailor, Lula parle du viol qu'elle a subi à l'âge de 13 ans, agressée par un ami de la famille. Elle se tourne vers le miroir de la salle de bain, et la caméra isole le visage reflété, tout en gardant Lula de dos, au premier plan. [...]
[...] Santos a donc décidé de tuer Sailor et Faragutt. Il appelle un mystérieux tueur à gages. Ce même tueur, qui est en réalité un intermédiaire, téléphone ensuite à une femme dont on n'entend que la voix, bien que la caméra se soit transportée chez elle. En effet de cette femme, nous ne devinons qu'une ombre projetée sur un mur. Le plan suivant montre une maison isolée d'où on entend une sonnerie de téléphone. Le plan est très court, il ne dure que le temps d'une sonnerie. [...]
[...] Dans ce balancement entre le silence, du moins l'intériorité (qui peut être bruyante, nous le verrons), et le langage du corps, la voix tient une place toute particulière. La voix se cherche, littéralement, passant du cri à la douceur mielleuse du chant en un mouvement permanent. Du coup, ce qui est dit au sens de l'intelligible, n'a qu'une importance restreinte chez Lynch. En revanche, la somme des éléments inintelligibles ayant trait à la voix et aux gestes semble bien avoir valeur de langage conceptuel et abstrait. Il n'y a pas qu'une entrée dans les films de David Lynch. [...]
[...] Mais ils ne sont pas non plus sur la même longueur d'onde. Lorsque Santos annonce qu'il va tuer Faragutt, Marietta reste silencieuse un instant. Santos prend donc son silence pour un oui ce qui fait réagir Marietta qui prononce plusieurs fois non, non, non ! auxquels Santos réplique par des oui, oui, oui Santos se range finalement du côté de non afin de calmer Marietta, mais quelques plans plus tard nous le verrons passer un coup de téléphone confirmant qu'il ne tiendra pas sa promesse. [...]
[...] Nous ne résistons pas à la tentation de citer Chion dans son intégralité. Un kit reconstitution d'un tout impossible, inspiré par la thématique même de Lynch, et qui n'est pas un inventaire ou un index, non plus qu'un répertoire de tous les insectes, tous les flux, tous les ciseaux et toutes les bûches dans les films de Lynch. Simplement, un certain nombre de scènes et de signifiants centraux dans l'œuvre de ce cinéaste ont été choisis et mis en rapport les uns avec les autres, le défi consistant à les organiser dans un ordre double, alphabétique et raisonné à la fois. [...]
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