Agnès Varda, film, chansons de Cléo, sans toi, conscience de soi, cri d'amour, puissance émotionnelle, cadrage, récit d'apprentissage de soi, solitude de Cléo, paradoxes, musique
Agnes Varda : « Cette chanson sans toi, devait marquer le tournant qui lui fait prendre conscience de façon aiguë que s'il n'y pas partage, communication avec les autres, amour des autres ou amour d'un seul d'ailleurs, aller vers la mort est encore pire ».
Les chapitres VI et VII sont tous deux consacrés aux répétitions des nouvelles chansons de Cléo. On peut s'interroger sur ce choix de Varda : malgré l'évidente continuité des chapitres, la réalisatrice isole le moment de la chanson « Sans toi » dans le découpage en chapitre, de façon plus évidente encore.
En quoi la séquence marque-t-elle un basculement dans la conscience que le personnage a d'elle-même et de ce qu'elle est en train de vivre ?
[...] Quels choix sont opérés par Varda pour en souligner toute la puissance émotionnelle ? Analyse Plan 1 Le chapitre s'ouvre sur deux têtes en très gros plan : gauche-cadre, Cléo, à droite, Maurice plumitif . On entend hors champ la voix de Bob qui ironise sur le talent d'interprète de Cléo ( il faudrait un peu de sentiment Comme dans le chapitre précédent, il y a un décalage qui crée le malaise entre le ton de Bob qui ne soupçonne pas le drame que vit la jeune femme et le désarroi de Cléo. [...]
[...] Ne pouvant parvenir à se confier, Cléo souffre d'autant plus de l'incompréhension des autres. De la même façon, elle avait trouvé José égoïste alors même qu'il ignorait tout de sa maladie. Le champ s'ouvre sur la chambre où se déroulent les répétitions : le lieu apparaît comme un musée de Cléo, mettant en avant une sorte de mise en scène de soi. Lieu de représentation pour le film (là où on chante pour le spectateur de cinéma) il est un lieu de représentation pour un personnage qui semble manquer d'intimité : la chambre est un salon où l'on reçoit. [...]
[...] Il y a encore un paradoxe : la rupture plus accentuée encore avec le naturalisme met à nu la conscience que Cléo a d'elle-même. On lit dans le regard de Cléo qu'elle vit ce qu'elle chante comme un futur inévitable. On a l'impression d'être sur une scène, un projecteur semblant s'allumer sur la gauche et cette mise à distance et aussi celle de la conscience (qui n'est pas autre chose que cette distance entre soi et le monde et entre soi et soi-même). [...]
[...] Ce jeu sur les différents points de vue accentue l'importance du passage, mais ramène Cléo à la douleur redoublée par son évidente solitude (seule Angèle avec qui elle entretient une relation ambiguë de confident et subordonnée est dans la confidence). Le dispositif de l'interprétation est aussi une parenthèse dans la mise en scène de la séquence. Le début de la chanson se fait piano-voix dans un mixage propre à la sonorisation de la chambre. Puis la musique devient, sans que l'on s'en rende compte, immédiatement une bande sonore où entrent d'autres instruments en jeu (cordes et percussions) et où le mixage de la voix devient celui d'un studio (réverbération, mise en avant). [...]
[...] Face caméra, sur un fond noir, Cléo chante les mots de sa propre perte. Dans des coulisses imaginaires figurées par un rideau noir qui contraste dans son appartement immaculé, la jeune femme troque alors son déshabillé à volants pour une robe de deuil, son nom de star pour son prénom de ville (Florence), enlève sa perruque. Cléo est prise dans cette séquence entre l'image que les autres ont d'elle et celle autonome qu'elle est en train de se faire d'elle-même. [...]
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