Les Enfants du Paradis fut réalisé pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le tournage d'une superproduction de cette ampleur relève de l'exploit cinématographique si l'on considère le chaos social et économique dans lequel la France était plongée.
Ode au théâtre à travers toutes ses déclinaisons : la pantomime, le théâtre de boulevard, le théâtre officiel, et par extension au septième Art son descendant. Il constitue également une ode à la ville de Paris, scène sur laquelle les acteurs évoluent.
Le film est presque entièrement tourné en studio, et la construction de décors impressionnants permet de faire revivre le temps du film un Paris qui n'existe plus. Un Paris certainement bien différent de ce qu'il fut à l'époque, un Paris théâtralisé, un Paris rêvé par Carné et Prévert qui utilisent cette ville comme leitmotiv de leur œuvre commune. La capitale sert de décors à de nombreux films qu'ils ont réalisés ensemble tels que Hotel du Nord ou Le Quai des Brumes. Dans Les Enfants du paradis ce n'est plus la ville qui sert de décors, mais les décors magistraux qui servent la ville pour nous faire vivre un XIXe fantasmé par Carné et Prévert.
[...] En effet, Garance et Arletty ont une foule de points communs : une mère blanchisseuse, le fait de porter un surnom et de se prénommer Léonie. Garance est le double sublimé d'Arletty qui est tout à la fois la gouaille de Paris, la distinction, l'insolence, la drôlerie et la tendresse, le rire et l'émotion. C'est un rôle sur mesure que lui ont écrit Carné et Prévert. L'actrice avoue d'ailleurs dans ses mémoires que Carné et Prévert lui ont offert son plus beau rôle au cinéma en lui faisant jouer le personnage de Garance. [...]
[...] Le titre même du film provient d'une partie de ce théâtre : le Paradis où l'équivalent du poulailler : les balcons dans lesquels se tassent les désargentés de tout genre. Le filmage de cet espace et le fait de placer la caméra à la place des spectateurs du Paradis invitent le spectateur à s'identifier au spectateur du Paradis. Carné rend ainsi hommage au Paris populaire en nous conviant à le contempler dans le miroir du Paradis. Le Théâtre des Funambules met en scène un registre qui rappelle la fusion entre le Théâtre Italien et l'Opéra Comique. [...]
[...] Le Grand-Théâtre des Enfants du paradis fait peut-être référence à l'actuel Théâtre de l'Athénée situé dans le IXe arrondissement de Paris. Si c'est le cas, Carné et Prévert ont utilisé une appellation non historique, car ce théâtre se nommait le Grand Théâtre entre 1890 et 1893 et que sa construction ne remonte qu'à 1880. Le Grand-Théâtre est la représentation de la fusion entre le Théâtre de Boulevard et les théâtres officiels subventionnés par l'État. Il s'agit d'un bâtiment imposant fréquenté par l'élite. [...]
[...] le Grand Théâtre est souvent montré pendant les répétitions alors que la salle n'est occupée que par les auteurs. L'alternance vide et foule nous permet à la fois d'appréhender la salle immensément vide et le nombre impressionnant de personnes qu'elle peut accueillir. Le Grand-Théâtre est le théâtre des retrouvailles de Baptiste et Garance qui s'échangent un baiser sur son balcon tandis que Pierre-François Lacenaire montre au Comte de Montray (époux de Garance) la scène, en levant le rideau de la fenêtre. [...]
[...] Frédérick Lemaitre incarne le personnage type d'Arlequin, qui était à l'origine bête, famélique, licencieux et alcoolique. Marivaux reprend plus tard le personnage pour lui insuffler sa ruse et sa verve débridée aujourd'hui légendaire. Frédérick Lemaitre joue trois grands rôles au théâtre dans Les Enfants du Paradis : Arlequin, Robert Macaire (personnage que le comédien a historiquement créé) et Othello. Il agit comme s'il jonglait pendant tout le film entre ces trois personnages, comme si sans le théâtre il n'était plus qu'une coquille vidée de sa personnalité. [...]
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