Piero Manzoni né en 1933 et mort en 1963 est un artiste italien, pionnier de l'Arte Povera et de l'Art conceptuel. Il est plus particulièrement connu pour une série d'oeuvres mettant en question la nature de l'objet d'art. Piero Manzoni signe en 1961 Socle du monde, sculpture en fer de 100x100x82cm, actuellement exposé en plein air dans le jardin de l'Herning Kunstmuseum, au Danemark. Son travail évite les matériaux artistiques courants, il utilise tout ce qui se présente à lui. Par exemple il se sert de la fourrure de lapin ou il utilise des excréments humains de manière à "découvrir les sources mythologiques et comprendre les valeurs authentiques et universelles" (...)
[...] Adhésion à une forme de nouveau réalisme ? Il poursuit ensuite son idée avec des Sculptures vivantes : après avoir apposé sa signature sur une partie de l'anatomie d'une personne, Manzoni lui délivre un certificat d'authenticité qui atteste de son geste. La personne devient par la même sculpture vivante Manzoni cherche par ce biais à rendre effectives, reconnues de tous, ce qu'il appelle les mythologies individuelles la part d'estime que chacun a de soi. Enfin, il retourne aux Achromes et meurt en laissant inachevé l'immense projet du Placentarium, qui rejoignait l'idée des Corps d'air mais avec une dimension architecturale. [...]
[...] Un questionnement sur la peinture et l'œuvre d'art commence alors. Peu après avoir découvert les œuvres de Klein, il commence à créer des Achromes, tableaux recouverts d'objets blancs, ou plutôt d'objets incolores dans sa démarche, utilisés comme tels. Avec une telle démarche, on peut le rapprocher du mouvement Dadaïste, tandis que sont œuvre se teinte de plus en plus d'humour, de dérision parfois, et souvent de provocation ; il est très engagé dans son environnement artistique. Il va jusqu'à créer des œuvres dématérialisées comme par exemple ses Corps d'air, qu'il transforme en Souffles d'artiste à condition qu'on le paye pour les gonfler ! [...]
[...] Socle du monde est avant tout un pavé. De forme strictement géométrique mesurant 82x100x100 cm, il est également en bronze sans ajout de matériaux supplémentaires (absence de recouvrement à la peinture ou au vernis par exemple) : on peut alors s'interroger sur les intentions de l'artiste; démarche minimaliste (émergente en même temps aux Etats Unis) ou volonté de sobriété plastique pour laisser plus de place au questionnement intellectuel ? Étant donné qu'il s'agit explicitement d'un socle on supposera que ce n'est pas ce dernier qui est une véritable œuvre d'art, il n'en est que le réceptacle. [...]
[...] A le préserver comme on le ferait pour une œuvre d'art menacée (démarche quasi écologique)? Placer son environnement dans une condition d'œuvre d'art pourrait aussi être comme un retour aux sources : si depuis l'antiquité l'artiste a un rapport (voir est en rapport, pendant le Moyen-âge) avec le divin en ce qu'il est créateur, Manzoni n'essaierait-il pas ici de rapprocher concrètement l'œuvre du divin et les normes artistiques de l'humain[6] ? N'est-ce pas une façon de montrer que le monde a été finalement manufacturé par l'homme (depuis sa sédentarisation, de par ses constructions et autres modifications du paysage), tout comme une autre œuvre d'art ? [...]
[...] De Piero Manzoni -1961- s'explique aisément par la tradition déjà évoquée d'expliciter sur le socle d'une œuvre d'art son titre et son auteur. Mais une référence peut nous pousser à chercher plus loin : dans le Quattrocento italien, souvent présenté comme père de la création artistique depuis, Bellini s'est distingué dans une de ses Vierge à l'enfant en introduisant, dans un plan secondaire, un pied d'estale sur lequel sont gravés la date de création du tableau et sa signature. Il a également placé sur ce socle un singe, animal n'appartenant pas à la représentation générale, comme pour dire moi, artiste, je singe la nature grâce à ma superbe capacité d'imitation Par analogie, ne pourrait-on pas alors dire que Manzoni, en affirmant ainsi son acte d'artiste, s'est approprié le monde non pas en ce qu'il peut le représenter, mais tout simplement parce qu'il l'a compris, cette compréhension l'ayant poussé à en faire une œuvre pour que les spectateurs soient comme lui, amenés à s'interroger et donc au final à le comprendre ? [...]
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