La question des temporalités de l’image photographique chez Hiroshi Sugimoto et Alain Fleischer

Thèmes abordés

Temporalités de l'image photographique, Hiroshi Sugimoto, Alain Fleischer, photographie, médium argentique

Résumé du document

L'on pourrait de manière simple définir trois temporalités existant au sein du processus photographique. Il y a celle de la saisie technique, celle de la situation photographique : des décors, des personnages, et enfin celle de la personne qui regarde l'image.
Le temps de la saisie technique sera particulièrement important pour nous, car les photographies que nous évoquerons résultent d'un véritable dispositif photographique, et interrogent les spécificités du médium. Ce temps est celui de l'immersion du photographe dans un réel donné, auquel il participe, et duquel il s'extrait en capturant l'image. «plus qu'un autre art, la Photographie pose une présence immédiate au monde, une co-présence».
Cette présence, cette participation au monde du photographe est une manière d'appropriation, et «L'illusion de parvenir à retenir l'objet définitivement à travers son image crée une excitation à la fois physique et intellectuelle.»

Extraits

[...] Peut-être pourrions nous ici faire une exception et Hiroshi Sugimoto, citer Roland Barthes : photo est littéralement «The times of my youth une émanation du référent15.» L'émanation (du : images from memory», Hiroshi Sugimoto, p. 12-13 latin emanatio) étant qui procède de qqch ; expression, manifestation»16. Traduction en annexe L'on pourrait ainsi dire des Seascapes de Sugip moto qu'ils remettent le spectateur en présence avec le moment de la captation, appelant ainsi à la contemplation La Chambre claire. Note sur la photographie, dans OEuvres complètes, vol 5 : 1977-1980, p have prelife memories, much less words to express them. [...]

[...] Il en sera de même pour ceux qui suivront. Image figée, qui oscille entre remémoration et oubli, faisant se ressembler des lieux, des personnes, des objets ayant existé à des époques différentes, et dont la situation a évolué depuis. L'image photographique échappe parfois au temps dont elle est issue. Lorsque le mouvement, celui là même du monde qui nous entoure, est ainsi cadré, arrêté, la frontière entre présent et passé peut se trouver abolie. Mobilité et immobilité se confondent, aplaties par le tranchant de l'obturateur. [...]

[...] La luminosité de l'image projetée a brûlé la pellicule, le temps de contemplation de l'image animée figure par son absence, sa disparition. trace «absentéifiante» est la véritable image du temps, elle est le temps en image.»7 U. A. Walker, New York Jean-Marie Schaeffer, L'image précaire. Du dispositif photographique, p L'écran reflète par sa vacuité la compression d'une durée, un flux d'images concentré en une seule, et qui par sa présence, c'est à dire sa durée, provoque sa disparition de l'image photographique. [...]

[...] Les modalités sont différentes selon qu'il s'agit d'un petit appareil léger et maniable qui permet de faire des photos rapidement, en grand nombre, et en se déplaçant ou s'il s'agit d'un matériel lourd, qui nécessite un pied, et force donc le photographe à l'immobilité (une chambre photographique par exemple, qui de plus nécessite une exigence technique occupant elle aussi une durée, celle de la préparation avant la prise de vue) Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, dans OEuvres complètes, vol 5 : 1977-1980, p Serge Tisseron, Le mystère de la chambre claire. Photographie et inconscient, p André Rouillé, La photographie. Entre document et art contemporain, p De plus, le temps de l'obturation lui-même, lorsqu'il n'est pas réduit à un instant, à un fragment de seconde, constitue également une durée vécue notifiable pour le photographe. [...]

[...] Cette question des temporalités photographiques est liée à l'expérience du réel impliquée par la photographie et pourrait être illustrée par de nombreux exemples. Plutôt que de multiplier les photographes et les images, j'ai choisi de concentrer mon propos sur les travaux photographiques de deux artistes, Alain Fleischer et Hiroshi Sugimoto, car leur oeuvre me paraissait être particulièrement représentative de la complexe relation au temps qu'entretient la photographie et riche des questionnements qui y sont liés. Les travaux sur lesquels je baserai ma réflexion sont des séries, ce qui permettra d'observer au sein de plusieurs images les interrogations qu'elles suscitent, et qui en soi, par la répétition, modifie notre perception des images et de leurs temporalités. [...]