En prétendant placer devant leur responsabilités les grands manitous de la culture mondialisée, le sociologue cède t-il à la tentation idéologique de désigner les responsables d'une évolution culturelle mondiale qui se ferait par delà la capacité d'action des hommes ? Ou bien a t-il raison de postuler que le pouvoir décisionnel de ces patrons mondiaux est colossal, qu'eux en effet infléchissent dans un sens conforme à leurs intérêts (économiques, idéologiques) les orientations générales du monde des médias et des produits culturels ? Dans quelle mesure, en d'autres termes, maîtrisent-ils l'univers médiatique ? Et quels sont les contrepoids à cette domination économique des nouveaux barons de la communication ?
[...] D'où une facilité de dumping pour gagner des marchés. Le déséquilibre entre l'Europe et les Etats-Unis est donc flagrant. Au début des années 90, les télévisions européennes consacraient entre 20 et 40% de leurs antennes à des productions américaines, un chiffre pouvant monter à 70% si l'on met à part information et " plateaux En 1994, selon l'IDATE (Institut de recherche sur l'audiovisuel et les télécommunications), les Etats-Unis ont exporté pour plus de 4 milliards de dollars de films et de " produits " de télévision en Europe, et n'ont importé en retour qu'à hauteur de 350 millions environ des oeuvres européennes ne dépassent pas les frontières des pays d'origine. [...]
[...] Les ressorts de la manipulation de l'information par les grands groupes dans un sens conforme à leurs intérêts ont fait l'objet de diverses analyses. La guerre du Golfe a ainsi été l'occasion d'une intense activité de propagande. " La majorité des téléspectateurs américains ignoraient sans doute que chaque fois qu'un commentateur de la chaîne NBC s'extasiait devant les performances des missiles Patriot et Tomahawk, il ne faisait rien d'autre que l'éloge de la compagnie qui lui versait son salaire remarque Alain Woodrow. [...]
[...] Mais fermer les frontières est compliqué, donc en général le protectionnisme intervient au stade de la diffusion. En Asie, le contrôle gouvernemental des médias allié à la censure font que la déréglementation ne conduit pas à une libéralisation simultanée de la diffusion télévisée. Arrivant comme un véritable défi en Asie, et inaugurant une révolution dans l'accès aux médias, STAR TV a reçu un accueil mitigé de la part de quelques pays asiatiques. La dénonciation de l'hégémonie américaine mais aussi le souci des différents gouvernements de contrôler la réception par antennes paraboliques offrant des images de " l'impérialisme occidental " en sont les principales explications. [...]
[...] En rachetant en 1995 le network ABC, reçu par des foyers américains, et qui dispose de plus de 230 chaînes locales affiliées et d'une vingtaine de radio, le groupe s'est considérablement renforcé, d'autant plus que la chaîne américaine est présente dans le câble avec ESPN 1 et ce qui lui permet de diffuser ses programmes à l'échelle mondiale. Autre géant de la communication, le groupe du très controversé Rupert Murdoch, dont la presse constituait le socle, et qui depuis 1994 étend ses activités à la télévision et au cinéma ( de son chiffre d'affaire). [...]
[...] Jusqu'à quel point les nouveaux maîtres du monde ont-ils les moyens de réaliser une telle prétention ? Cette fusion historique offre un exemple quasi caricatural de la logique de fusions-acquisitions dans laquelle se sont récemment engagés les grands groupes de communication et de leur prétention à maîtriser non seulement les médias, mais aussi leurs modes de pénétration dans la société et les produits qu'ils diffusent. Le nouveau groupe cumule en effet les trois atouts de la Nouvelle Economie : une large base d'abonnés fidèles, une infrastructure technique à haut débit et des programmes de contenu. [...]
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