Serge Halimi, directeur de la rédaction du mensuel Monde diplomatique, ancien professeur à Paris VIII et journaliste de métier écrivait en 1997 "Les nouveaux chiens de garde", dont est publiée une version réactualisée en 2005. Dans cet ouvrage, l'auteur s'attaque à quelques journalistes des plus influents. Cependant, ils ne sont là que parce que cela permet à l'auteur de dégager une critique amère et nourrie du champ journalistique dit "moderne" et ainsi ne représente donc absolument pas une diatribe envers ces dits journalistes. Agissant en "chiens de garde", expression empruntée au philosophe Paul Nizan qui à son époque faisait référence aux pseudophilosophes, les élites journalistiques françaises semblent être aux services du pouvoir économique et politique, fournissant des informations futiles et médiocres.
[...] Par ailleurs, par paresse, manque de compétences et de temps, et par souci de faire de l'audience et d'attirer le plus d'acheteurs, les journalistes aujourd'hui radotent partout les mêmes sujets. La plupart du temps, le contenu des articles comme celui des reportages semble vide, ne créant pas le débat d'idée, caché derrière un semblant de neutralité quand il ne le faut pas. Pire encore, le chiffre exponentiel de sujets évoquant des drames et autres évènements sportifs et culturels. Une information spectacle que dénonce l'auteur, ne contribuant pas à la rationalisation sociale d'Habermas, c'est-à-dire mettre au courant e citoyen, éduquant le citoyen. [...]
[...] Plusieurs journaux sont détenus par une minorité de patrons- actionnaires, ce qui représente bien un réel danger pour la démocratie et le pluralisme. Pour préserver la carrière et accéder à des postes dans les commissions mises en place par le pouvoir public ou à la plus haute hiérarchie dans son journal, le journaliste n'hésite plus à garder les secrets de l'Homme Politique, qu'importent les conséquences d'une révélation, comme sous Mitterrand. Il tend à faire des entretiens complaisants pour être rappelé par un haut dirigeant et sublimer son CV et se dire proche de ces dirigeants qu'il interview. [...]
[...] De nos jours, derrière l'apparente démocratie, le débat d'idée dans le champ médiatique, il paraitrait selon Serge Halimi que cela n'est que des leurres. Effectivement, il y a quelques décennies en France, quand l'ORTF existait, on avait droit à une censure franche et ouverte de la part du ministère de l'information et Alain Peyrefitte. Aujourd'hui, celle-ci semble moins directe et plus douce, elle passe par un le rapport de force entre Journalistes et Patrons et le rapport au pouvoir des Journalistes. [...]
[...] Cependant, vider de son contenu, c'est-à-dire de son rôle de créateur d'idée nouvelle, de débats sérieux, de mise en avant du critiquable, et d'une meilleure couverture de l'international, que reste-t-il du journalisme en tant qu'outil démocratique, vu qu'il n'est que serviteur du pouvoir politique et économique ? Loin de correspondre à un contre-pouvoir, le journalisme aujourd'hui semble corrompu par l'idéologie néolibérale dominante selon l'auteur. Certes, l'ouvrage est remarquable et s'appuie sur de nombreuses citations et une logique immanquable dans l'argumentation. [...]
[...] En outre, l'on retrouve dans le champ journalistique des individus dévoués au pouvoir, mais est-ce bien le cas de tous ? Effectivement, les grands journalistes le sont certes, mais Laurent Joffrin par exemple, malgré ses entretiens complaisants avec les politiciens et diverses autres actions critiquables, n'est-il pas actuellement dans l'opposition, dénonçant le débat inutile sur l'Identité nationale ou sur les amendes contre les femmes en Niqab dans Libération ? Dans ce sens, l'ouvrage intelligent et profondément ancré à gauche de Serge Halimi présente un soupçon de manichéisme, que l'on peut relativiser sans pour autant en rejeter le contenu très réaliste et émancipateur. [...]
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