En plus d'être un ouvrage synthétique sur les spécificités et le fonctionnement des médias américains, Médiamorphoses américaines s'annonce dès les premières lignes comme un livre de réflexion sur le rôle des médias dans un espace démocratique. Divina Frau-Meigs soutient l'idée selon laquelle la société américaine serait en tension entre deux modèles qui lui sont endogènes : le modèle libéral corporatiste et le modèle libéral communautaire. Cette confrontation qui se joue dans l'organisation économique, dans l'exploitation des nouvelles technologies médiatiques ou encore dans les territoires de communication, est l'élément clé permettant de mieux comprendre l'évolution de l'espace médiatique américain.
[...] Mais ce qui reste le plus marquant, c'est que les Américains eux-mêmes n'ont pas cessé de vivre pendant le comptage et recomptage sans fin des bulletins. Ainsi, la sphère privée a bien survécu à la sphère publique. La quatrième partie nous permet enfin appréhender la société civile américaine. Les phénomènes de publicisation de la vie privée et privatisation de la vie publique ont affectée la société civile, nous apprend-on d'entrée dans le chapitre sept. L'intérêt du public pour l'information produite par les médias et le respect que le public accordent à la fonction journalistique se déclinent sans cesse depuis la fin de la seconde guerre mondiale. [...]
[...] Dés les origines de la révolution américaine, elle est en tension entre les tenants d'un régime participatif direct et les tenants d'un système représentatif indirect. Autrement dit, tandis que les démocrates voient dans la participation de l'individu dans la sphère publique par le vote, la prise de responsabilités civiques, l'animation de débats publiques, les meilleures façons qui soient d'établir une démocratie, les républicains soutiennent l'idée que la participation de l'opinion publique doit être canalisée et contrôlée par des institutions fédérales fortes afin d'éviter un certain chaos. [...]
[...] Cela explique en partie la défaite de Gore qui n'a pas su amener le débat de 2000 sur le bilan économique de Clinton. Cependant, l'auteur rappelle que c'est Ross Perot qui a le premier utilisé les nouvelles technologies et les médias à son avantage, annonçant par exemple sa candidature lors d'un talk show, passage désormais obligé des candidats. Parallèlement à ces émissions qui permettent une certaine proximité avec l'homme politique, la publicité politique devient plus sophistiquée et l'image plus importante que le discours : si les citations des candidats prenaient 42 secondes de chaque publicité en 1968, en 2000, elles ne prennent plus que 10 petites secondes. [...]
[...] La société américaine est donc en crise, conclue Frau-Meigs, car son espace public et privé sont partagés entre deux modèles : le modèle libéral corporatiste dont les valeurs sont celles du marché (individualisme, contrat, efficacité) et le modèle libéral communautariste qui prône le service et un égalitarisme politique et social basé sur la morale. La sphère privée, de par sa médiatisation, devient donc plus ou moins publique, ou du moins elle en arrive à se poser des questions qui ne touchaient auparavant que l'espace public. Dans le second chapitre, la médiation technologique est traitée. Pour la théoricienne, si la technologie a pris une telle ampleur aux Etats-Unis c'est parce qu'elle convient parfaitement à la frontière et à l'anti- intellectualisme en général. [...]
[...] En effet, après la seconde guerre mondiale, la visée démocratique est affecté par l'anticommunisme et entraîne ainsi l'utilisation de la communication comme moyen de contrôle social par la propagande : le Rêve revient en force dans les médias, par opposition à la menace communiste et, en face du danger, l'Amérique se tourne vers le moralisme. A l'origine, on cherche essentiellement aux Etats-Unis à ce que les médias servent les besoins des citoyens dans un processus démocratique. Mais c'est précisément parce que le contexte est à la peur, à la méfiance et au défi que les médias prennent la liberté de ne plus correspondre vraiment à ce que l'on attendrait d'une démocratie le Watergate n'étant qu'un seul exemple des abus commis par les politiques et de la manipulation médiatique. [...]
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