C'est à la fin des années 1950 et au début des années 1960 que se développe la société de consommation en Europe de l'Ouest et notamment en France et en Allemagne. C'est à cette époque, en 1963, qu'Habermas publie son livre sur l'espace public. En effet, ce sociologue allemand se trouve être le témoin de changements structurels de la société, liés à la culture de masse et à l'émergence de l'État social (the welfare state) qui ont selon lui des conséquences sur la formation de l'opinion publique, et les relations entre sphères publique et privée.
C'est l'occasion pour lui de mener une étude sociohistorique de la sphère privée et de la sphère publique en Occident, et de retracer le développement d'une sphère publique bourgeoise à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle qui serait la matrice de l'opinion publique, au sens de personnes privées faisant un usage public de leur raison, sur des questions d'intérêt commun, avec le développement d'un principe de "publicité" comme principe légitime de contrôle de l'autorité politique offert à l'individu, créant par là pour la première fois une "sphère publique" lieu de débats critiques et rationnels sur des sujets d'intérêt commun, et instance de formation d'une "opinion publique".
L'auteur tente par la suite de montrer la dissolution du concept au XXe siècle, le dévoiement du principe de Publicité, et le déclin de la sphère publique dans nos sociétés modernes. Ainsi, quelles sont les conditions d'apparition ainsi que les caractéristiques essentielles de l'espace public et de la « sphère publique bourgeoise » chez Habermas, et pourquoi en observe-t-on le déclin dans les démocraties contemporaines « de masse » ?
[...] Vision pessimiste et chagrine, ou lucide et nécessaire ? [...]
[...] Dans les cafés, cette intelligence côtoie dans les premiers temps la noblesse, et les salons font se rencontrer la noblesse et la grande bourgeoisie sur un même pied. La bourgeoisie est exclue des postes clefs de l'État et de l'Eglise, mais possède en revanche les positions importantes de l'économie. Se réalise dans ces salons une sorte d'égalité idéale et non réelle, où les dépendances économiques et les lois du marché (bourgeoisie) et de l'État (aristocratie et noblesse) ne s'y font plus sentir, dans l'idéal du café, et c'est ainsi que les salons et diverses sociétés ont été répandues et institutionnalisés en tant qu'idée, et pourquoi ils ont connu un tel succès. [...]
[...] L'ordre naturel harmonieux n'existe pas, et subsistent toujours des intérêts privés divergents, des intérêts antagonistes affluant au sein de la sphère privée, ce qui contraint une opinion publique désagrégée à les représenter, de sorte que celle-ci, au fond, de manifeste que l'opinion dominante des intérêts majoritaire L'opinion publique devient alors une puissance coercitive dont la force serait l'argument persuasif. C'est ce que J.S. Mill appelle le joug de l'opinion publique vu d'ailleurs comme une domination des masses et des médiocres. Pas de fusion des intérêts hétérogènes. [...]
[...] Il n'y a pas plus de forme d'assimilation privée de la culture par la raison. Les débats politiques sont des shows sans caractère polémique, administrés et réglés comme du papier à musique, où le consensus sur la procédure de la discussion rend largement superflu un accord sur le thème discuté. Ces émissions donnent l'illusion d'un usage de la raison à travers les médias ce qui est un substitut rassurant à la véritable action de l'individu dans la discussion politique publique. [...]
[...] Mais cette sphère publique n'est pas une sphère sociale, elle ne correspond pas à une catégorie de population, mais uniquement au pouvoir et liée à la personne du seigneur et du roi. Cette sphère structurée par la représentation ne se déploie que par des symboles et des attributs, le cérémonial royal : insignes, sceaux, allure (vêtements, coiffure), attitude, rhétorique, etc. Les fêtes royales baroques du XVe siècle sont en ce sens moins pour le plaisir d'y participer que pour une démonstration de la grandeur et du prestige de celui qui les ordonnait Dès le XVIe siècle s'opère un tournant épistémologique, et le concept de public s'étend à tout le pouvoir public et l'État, ainsi qu'aux représentants et serviteurs de l'État : pouvoirs féodaux, Eglise, royauté et seigneurs se décomposent, remplacé par la bureaucratie, l'armée, le Parlement : les institutions du pouvoir d'État se rendent indépendantes de la sphère de la Cour, qui elle, devient un domaine privé, celui du Prince. [...]
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