« Les pratiques [du Web 2.0] révèlent une volonté sourde, tacite, mais profonde, de développer de manière croissante des médias sans journalistes. » Hervé Bourges . Le propos du président de l'Union internationale de la presse francophone lors des Assises du journalisme à Lille en mars 2007 sonne comme une sentence. Incontestablement, il dénote une inquiétude qui touche le journalisme dans son ensemble. Déjà confrontés à la crise de la presse écrite, les médias font en effet face aujourd'hui à l'essor des blogs. Mais qu'est ce qu'un blog ? A l'origine, le terme désigne ce que l'on appelle de manière barbare « les carnets extimes », à l'inverse des carnets intimes. L'internaute vient y livrer ses expériences et ses humeurs. Ils font irruption sur le Web aux Etats-Unis dès le milieu des années 1990. Ils n'apparaîtront massivement qu'à partir de 2004 en France. Aujourd'hui, le site Technorati évalue à 70 millions le nombre de blogs (3 millions sur la Toile française) et à 120 000 le nombre de créations quotidiennes . Au fil des années, le genre s'est décliné et s'est notamment étendu à la sphère de l'information. Les blogueurs se sont emparés du commentaire de l'actualité. L'émergence de ce que le sens commun qualifie de « journalisme citoyen » a littéralement bouleversé le traitement de l'information, le « citoyen lambda » s'improvisant dés lors reporter. Les blogs commentent, réagissent et dissèquent l'actualité. La force du témoignage mis en ligne, la conviction personnelle publiée, les faits rapportés dans l'instant font vaciller les professionnels de l'information. Parfois même, le blogueur se substitue au journaliste. Le cas des déclarations de Ségolène Royal concernant les 35 heures dans l'Education nationale sont intéressantes à cet égard. La séquence avait été dévoilée sur le site d'échange de vidéos Dailymotion.com. Le site internet du Monde ne l'avait reprise que plus de 24 heures plus tard. Ici, le réflexe « citoyen » du diffuseur du film a été important car la candidate PS de l'époque n'aurait probablement pas tenu de tels propos devant un journaliste formellement identifié. Face à cette incursion sur leur territoire, les journalistes rappellent qu'un professionnel apporte une valeur ajoutée à l'information. Qu'il joue le rôle de modérateur. Qu'il coupe et recoupe ses sources. Quoi qu'il en soit, c'est un fait : le journaliste est régulièrement « doublé » par le citoyen sur le terrain du « direct ». L'exemple de la récente tuerie de Virginia Tech (le 16 avril) confirme encore cette tendance. En effet, les premières images diffusées sur les chaînes d'information américaines étaient tirées du téléphone portable d'un étudiant. Dés lors, une question se pose : si tout le monde est appelé à devenir journaliste, vivra-t-on demain dans un monde sans journalistes (au sens traditionnel) ? Ceux-ci doivent-ils se confronter aux blogueurs ou, au contraire, composer avec eux ?
[...] Internet n'a pas sonné le glas des médias traditionnels. Au contraire, il leur a proposé un défi à relever Les médias face à un nouveau défi Quels outils ? Si le discours général dans les médias est à la morosité, les perspectives pour ceux-ci ne sont pas pour autant si noires que l'on aime à le dire. En effet, bien que l'heure soit à la défiance à leur égard, certaines études démontrent une confiance persistance. Un sondage TNS- Sofres, réalisé en mai 2006, montre ainsi que seuls 27% des Français déclarent qu'«Internet est une source d'information qui remplace les journaux car il permet de trouver toutes les informations»[13]. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, il est un fait : le journaliste est régulièrement doublé par le citoyen sur le terrain du direct L'exemple de la récente tuerie de Virginia Tech (le 16 avril) confirme encore cette tendance. En effet, les premières images diffusées sur les chaînes d'information américaines étaient tirées du téléphone portable d'un étudiant. Dés lors, une question se pose : si tout le monde est appelé à devenir journaliste, vivra-t-on demain dans un monde sans journaliste (au sens traditionnel) ? Ceux-ci doivent-ils se confronter aux blogueurs ou, au contraire, composer avec eux ? Le journalisme, à l'heure des blogs, doit-il se réinventer ? Est-il appelé à redéfinir son rôle et à évoluer ? [...]
[...] Le choc de l'irruption des blogs L'influence des blogs sur le journalisme est scrutée de très près. Certains voient même dans l'essor des sites d'informations indépendants la mort des médias traditionnels. Mais qu'en est-il réellement ? Le phénomène étant encore trop récent, aucune réponse tranchée ne peut être apportée à cette interrogation. Néanmoins, il est possible d'avancer quelques éléments d'explication. D'abord, il est important d'avoir une vision globale du phénomène de la crise des médias traditionnels. En effet, il existe par exemple un dénominateur commun évident entre l'essor de la presse gratuite et le succès que connaît Internet : la gratuité. [...]
[...] Certains exagèrent même le phénomène en affirmant que François Bayrou, le candidat boudé par les journalistes professionnels, est une création du Web, dans la mesure où ce seraient les Blogs qui lui auraient permis de percer dans les sondages puis sur la scène médiatique traditionnelle. Mais les blogueurs politiques les plus populaires rejettent pour la majeure partie d'entre eux cette thèse bancale dixit Versac. Dés lors la question suivante se pose : si les blogs d'analyse pénètrent bel et bien la sphère de l'information traditionnelle, dans quelle mesure cela se fait-il ? En novembre 2006, une équipe de chercheurs du Centre de Recherche en Epistémologie Appliquée de l'Ecole Polytechnique[28] se sont penchés sur la question. [...]
[...] Il (le citoyen) fait et décide et pense explique M. Pisani. Ainsi, l'essor de la blogosphère a dépolarisé l'information, l'opinion publique n'ayant recours plus seulement aux seuls médias traditionnels. Joël de Rosnay développe cette idée : Les citoyens du monde sont en train d'inventer une nouvelle démocratie. [ ] Le nouveau pouvoir en train de se constituer, encore embryonnaire, crée ainsi un changement d'équilibre des forces. Non seulement entre les médias classiques et les médias émergents mais également entre les structures politiques, industrielles, les institutions traditionnelles et les nouvelles structures civiles citoyennes. [...]
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