La culture, en France, fait l'objet d'une mission spécifique de l'Etat, puisqu'elle fait constitutionnellement partie des droits des individus (au même titre que le droit à l'éducation), ainsi que d'une certaine obligation. L'artiste y a donc une place essentielle puisqu'il contribue à la démocratisation de la culture, autrement dit la généralisation de la consommation culturelle, et, au-delà, la formation et l'épanouissement des citoyens. Le spectacle vivant est un pilier de cette action, et les professionnels de ce secteur sont soumis à un régime particulier, qu'est celui de l'intermittence. S'il fédère le sentiment d'appartenance aux métiers du spectacle, le statut d'intermittent repose sur un mode d'affiliation spécifique au régime d'assurance chômage, régi par les annexes 8 et 10. Il concerne les artistes et techniciens titulaires de contrats à durée déterminée, et leur permet de mener des projets propres au milieu artistique, qui nécessitent des temps de création/ préparation non rémunérés, alternant avec des périodes d'emploi à proprement parler.
Ce statut a connu un essor important dès les années 1980, mais est remis en cause depuis plusieurs années, notamment avec la dénonciation de son utilisation parfois abusive et du creusement du déficit des caisses liées aux annexes 8 et 10, mais aussi le besoin de l'adapter aux évolutions du secteur. Malgré la vitalité du secteur, on souligne la précarisation de l'emploi, la mauvaise organisation du secteur, et son manque de transparence, entre autres déséquilibres. L'adoption d'un nouveau protocole le 26 juin 2003 a provoqué de nombreuses manifestations et annulations de spectacles, mais surtout l'accentuation d'une crise face à la réforme - remise en question - du régime spécifique. Les tensions entre acteurs sociaux et les réactions des professionnels restent vives, bien que l'adoption du nouveau protocole du 18 avril 2006, qui s'inscrit dans la continuité du précédent, soit désormais entérinée. Quels sont les causes réelles de cette crise ? Quels sont les domaines touchés et quelles politiques mettre en œuvre pour résoudre les croissants déséquilibres? Suffit-il de réduire l'accès au régime spécial, ou même de remettre en question son existence? Nous essaierons ici de cerner les principaux enjeux de cette « crise de l'intermittence », qui sont inséparables d'enjeux liés aux représentations et au statut de l'artiste, à la volonté publique (place de la culture dans la politique nationale), et à l'articulation entre l'offre culturelle et ses publics.
[...] Hybridation qui peut servir des projets, notamment culturels, requérant ce type de conditions. Loin de devoir revenir sur ce statut spécial, qui fait peur au Medef dans la mesure où il est une porte ouverte sur d'autres hybridations potentielles, l'Etat devrait simplement agir sur les différents plans cités (partage des responsabilités publiques, articulation production/ diffusion, rencontre offre et publics), en travaillant sur la concertation, la lisibilité de son action, afin de maintenir l'exception culturelle dans le spectacle vivant, en protégeant à la fois les professionnels, la liberté de création et de programmation, et l'intérêt général qui passe par la démocratisation de la culture. [...]
[...] Nous essaierons ici de cerner les principaux enjeux de cette crise de l'intermittence qui sont inséparables d'enjeux liés aux représentations et au statut de l'artiste, à la volonté publique (place de la culture dans la politique nationale), et à l'articulation entre l'offre culturelle et ses publics. I. Profession : artiste Un statut original remis en cause par des déséquilibres croissants A. Un statut exceptionnel qui donne une continuité à une profession intermittente Qu'est-ce qu'être artiste ? Au 19e siècle, artiste était un métier régi par des corporations. Au 20e, la figure de l'artiste éclate, et celui-ci se définit désormais moins par son œuvre que par sa personnalité, sa biographie. Formes artistiques anciennes et actuelles se brouillent, rendant une définition de l'artiste difficile voire impossible. [...]
[...] L'Etat ne montre pas l'exemple, puisqu'au sein même de France 2 se trouvent autant d'intermittents que de permanents. On parle de permittence pour désigner le phénomène des employeurs qui se reposent sur l'UNEDIC pour rémunérer en partie des intermittents qu'ils emploient de façon quasiment permanente. Le rapport Latarjet propose par exemple la création d'un CDD d'artiste rendant possible une rupture négociée du CDI ; de faciliter le passage à différents types de contrats, et la mutualisation de l'emploi permanent / des compétences artistiques et techniques par les employeurs ; ou encore établir des cercles concentriques de nomenclatures (annexes, CDD d'usage, études statistiques sur l'emploi, la formation), pour pallier au problème de définition de la nature intermittente de l'activité, et de l'usage fait de l'intermittence par l'entreprise. [...]
[...] La démocratisation de la culture : comment faire se rencontrer les artistes et les publics dans ce contexte de mutations ? Le rapport entre l'offre de spectacles et les publics se dégrade, et il est difficile de concilier soutien à la création et démocratisation du spectacle, donc d'établir les programmations. Si la démocratisation est conçue comme étant l'élargissement de l'accès aux hautes œuvres l'incapacité à capter le non public fait état d'une mission impossible Par contre, cette politique peut être refondée comme visant l'élargissement de l'accès à la culture, en lien avec une politique d'éducation culturelle, encore considérée comme très caduque en France. [...]
[...] Malgré cela, ils résistent, preuve en sont les formes d'organisation et d'actions collectives qu'ils continuent à mobiliser. Espérons qu'ils ne disparaîtront pas, et avec eux la politique culturelle française si ancrée et originale. Bibliographie Coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France www.cip-idf.org Rapport de la Cour des Comptes sur le nouveau régime de l'intermittence www.ccomptes.fr/Cour-des-Comptes/publications/rapports/rp2006/9- intermittents-spectacle.pdf Rapport de Latarjet, Pour un débat national sur l'avenir du spectacle vivant, www.culture.gouv.fr/culture/rapports/latarjet/rapport_7mai2004.pdf Notes de l'observatoire de l'emploi culturel (Ministère de la Culture et de la Communication, DEPS): Rapport de JP Guillot, Pour une politique de l'emploi dans le spectacle vivant, le cinéma et l'audiovisuel, décembre 2004. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture