Entres les bombes du RER B parisien (aux stations Saint Michel et Port-Royal) durant les étés 1995 et 1996, et les attentas indépendantistes de l'ETA, en passant par l'attaque aérienne sur le World Trade Center le 11 septembre 2001, les différences sont majeures, mais la violence qui en ressort, pose un problème commun de traitement de l'information par les médias, c'est-à-dire de leur capacité à dire le fait et à l'expliquer.
Les attaques dites « terroristes », peuvent se définir comme des actes réalisés par un groupe de personnes ou un Etat, s'accompagnant d'actions violentes et/ou illégales, réalisées au nom d'idéologies, de politiques ou de stratégies, avec pour objectif de produire sur leur cible un sentiment de peur, voir de terreur. Ces cibles étant dans la majorité des cas la population, voire une de ses composantes, ou encore une institution ou un gouvernement.
La couverture médiatique de ce type d'évènement est délicate et divers paramètres sont à prendre en compte. En effet, face à de telles actions, les médias sont confrontés à des contraintes temporelles. Il faut agir vite pour palier la concurrence et garantir une information ciblée et visible. On a alors une réelle difficulté à ne pas tomber dans un traitement émotionnel de l'évènement. Cependant, c'est généralement ce type d'approche, par l'émotion et la douleur qui sera privilégiée. Les spécialistes s'insurgent notamment sur l'utilisation d'images dites « chocs » par les médias. Pour eux, l'image n'est qu'une illustration, mais en aucun cas une information. Le but de l'image de douleur ou de souffrance, et de proposer une illustration personnalisée (femmes, enfants) de façon à marquer les esprits et à rendre l'information visible…on entre alors dans ce que l'on qualifie de journalisme spectacle. On insiste sur des images ou des témoignages, alors qu'un discours rationnel devrait être recherché.
Finalement, on peut s'interroger sur les raisons (autres que celles de la contrainte temporelle) qui vont pousser les médias à adopter ce type d'attitude face au terrorisme et les conséquences que cela va entraîner. En effet, il faut ici s'intéresser aux rapports entretenus par les médias avec les deux sujets concernés par le phénomène du terrorisme, à savoir : les auteurs mêmes des violences et l'Etat.
S'agissant des terroristes, il est aujourd'hui très clairement apparent et cela sans que ce soit un phénomène nouveau, que les actes terroristes sont, la plus part du temps, liées à un certain impact médiatique. Par exemple, le « vidéo terrorisme », c'est-à-dire des terroristes filmant leurs actions afin de passer leur message, a pris une ampleur sans précédent, on peut notamment citer les vidéos d'enlèvement en Irak, comme l'enregistrement de la journaliste Florence Aubenas en mars 2005. Le développement d'outils de communication, comme Internet et les chaînes d'informations mondiales diffusant 24h sur 24h tel CNN, ont favorisé ce type d'utilisation des médias par les terroristes, à tel point que les experts parlent aujourd'hui au sujet des actions terroristes : de « stratégie médiatique soigneusement élaborée ». Une première interrogation apparaît ici, celle de savoir, quelle utilisation les terroristes font-ils des médias ? On va alors se demander, si les terroristes agissent dans un but de couverture médiatique et en allant même plus loin, se demander, si les médias par leur attitude face aux évènements ne sont pas, aux dires de certains observateurs, les « complices » plus ou moins volontaires des terroristes.
De la même, façon on peut se demander si les médias ne sont pas sous le joug des gouvernements, ils deviendraient alors « des agents » au service de la légitimité des actions politiques menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Une deuxième question se pose alors : Quelle utilisation les gouvernements politiques font-ils des médias, face au terrorisme ?
On aboutit ainsi, à se demander si les journalistes ne sont pas devenus les victimes tout en restant les acteurs clefs de la couverture des évènements terroristes. Nous allons donc, essayer de comprendre cette double contrainte exercée par les auteurs des violences d'un côté et les Etats chargés de les réprimer de l'autre. Pour finalement tenter de déterminer : quelle doit être la position des médias, pour éviter d'être instrumentalisés non seulement par les terroristes mais aussi par les pouvoirs politiques ?
[...] Cependant, au-delà de ces grandes affirmations théoriques la réalité semble différente. On constate en effet, une forme de concurrence entre les médias, visant à capter l'audimat par les images. Comme nous l'avons expliqué en introduction, l'image donne un caractère personnel et donc visible à l'évènement. Mais cette lutte entre les médias à la recherche de la vidéo la plus spectaculaire, tend à mettre l'image plus que le texte en avant, et habitue peu à peu le spectateur à une violence de plus en plus forte. [...]
[...] Selon, ce type d'analyses, les médias constituent un formidable écho aux attaques terroristes et contribuent de ce fait à la propagation du phénomène terroriste dans tout l'espace public. Ce type d'insinuation va plus loin et va même jusqu'à accuser les médias d'entretenir des rapports fructueux avec les terroristes. Il y aurait d'une part, de l'événementiel et donc la garantie de retombées importantes : augmentation des tirages, plus grand audimat et d'autre part, la diffusion d'un message par le biais de canaux de communication, s'accompagnant d'une certaine forme de légitimation. On aurait alors un intérêt réciproque, débouchant sur un rapport complice. [...]
[...] On peut donc s'interroger sur l'existence d'une autonomie des médias et cela tout particulièrement face au phénomène du terrorisme. B. La recherche d'autonomie des médias : des acteurs clefs au servie de la démocratie Malgré tout certains éléments nous permettent d'affirmer qu'il existe encore une forme d'autonomie des médias et que ceux-ci ne sont pas totalement instrumentalisés par les Etats. Les médias sont porteurs d'une certaine forme de légitimité, du fait de leur rôle de relais de l'information. Ils se doivent ainsi, de conserver une forme d'indépendance et de déontologie. [...]
[...] Malgré tout, de telles accusations parfois vérifiées doivent tout de même être nuancées. Les difficultés de couvrir de manière objective et réfléchie des évènements graves tels que des attaques terroristes doivent rester la mission principale des médias. Ceux-ci doivent se détacher des pressions politiques, tout en ne succombant pas à la facilité du discours sensationnel. Un rapport distancé aux sources doit être privilégié. Mais l'effort d'indépendance, ne doit pas résulter des seuls médias. En effet, suite aux attentats de Madrid, un journaliste espagnol a déclaré : comme tout le monde, je me suis précipité pour vérifier l'information et faire un sujet dessus. [...]
[...] Les médias restent donc des acteurs clefs de la lutte contre le terrorisme, et d'un point de vue général restent des outils extrêmement nécessaires à nos sociétés démocratiques. Malgré tout, leur positionnement face aux terrorismes, reste très délicat. Pour éviter d'être instrumentaliser par les terroristes ou par les Etats, les médias doivent trouver une position intermédiaire qui leur garantisse l'autonomie et la liberté d'expression. Un travail de fond est donc aujourd'hui nécessaire, pour repenser la liberté des médias et l'écarter des pressions exercées par les autorités politiques. C'est justement l'objet du colloque lancé par le Sénat en collaboration avec le Conseil de l'Europe. [...]
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