Dès le premier tiers du XIXème siècle, la concurrence devient inégale entre le livre et le journal; comme l'écrit Marie-Ève Thérenty dans La littérature au quotidien, poétiques journalistiques au XIXème siècle, «la littérature assiste au triomphe du système médiatique». Tous les écrivains de ce siècle, à quelques rares exceptions près, ont été un temps journaliste. Lamartine, Zola, comme George Sand ont non seulement écrit dans la presse, mais ont même créé des journaux de toute pièce. Que penser de cette mutation d'un métier à l'autre ? Est-ce par défaut que les écrivains se sont tournés vers le journalisme ? En somme, le journaliste du XIXème siècle est-il un écrivain raté ? Si la question se pose, c'est parce qu'effectivement beaucoup d'écrivains de l'époque se sont réfugiés dans le journalisme par souci économique uniquement, leurs écrits ne pouvant rapporter quelque argent ailleurs. Mais cette vérité ne peut clore la question car personne ne pourrait nier la grandeur des chefs-d'oeuvre littéraires que nous ont livrés ces mêmes écrivains (...)
[...] Nous verrons ainsi que le journaliste du XIXème siècle est un écrivain qui, loin d'être raté, est au contraire grandi, innovant et engagé. C'est souvent dans les journaux que les écrivains ont fait leur apprentissage et qu'ils ont acquis leur première notoriété. Jules Vallès a dit «C'est en écrivant pour mes lecteurs du Progrès que je me suis fait ou que j'ai affermi certaines idées qui sont le «fond de ma théorie» sur la littérature contemporaine». Le journalisme a effectivement permis la naissance et l'épanouissement de beaucoup de jeunes talents. [...]
[...] La fiction narrative progresse incontestablement. On assiste à la prolifération de journaux intimes, de carnet et de correspondances ainsi qu'à la naissance du roman moderne, alors publié sous la forme de romans-feuilleton qui sont de vrais succès. Dans le domaine de la poésie, un vrai défi littéraire est à relever pour que, dans le brouhaha intellectuel de l'époque, la voix poétique se fasse entendre. C'est alors qu'est inventé le poème en prose qui transgresse les frontières entre les genres. Baudelaire la conçoit comme la forme même d'une écriture dépourvue de narrativité et de poéticité: «une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime». [...]
[...] Nous pouvons parler du journaliste du XIXème siècle comme d'un écrivain raté en se rattachant à deux idées différentes. La première est qu'un écrivain qui se réfugie dans le monde de la presse pour survivre tant bien que mal grâce à ses écrits, laisse à croire que la nature de ces derniers est forcément médiocre, voire mauvaise; celui qui se prétend «écrivain» ne l'est donc pas tant que ça ou, s'il l'est, l'est raté. La seconde est que les mécanismes du journalisme sont tels qu'ils peuvent pervertir l'attitude de l'écrivain honnête qui, pour s'adapter, modèlera ses écrits à l'image de ce qui est attendu; son travail est alors dénaturé, sa littérature perdue et lui-même raté. [...]
[...] Villiers disait d'ailleurs que publier dans les journaux était encore le moyen le plus sûr, pour qui sait tenir une plume, de «glaner quelques pièces d'or». En effet, l'avantage du journalisme est qu'il rapporte des revenus immédiats, en argent comptant. La presse périodique devient ainsi le gagne-pain des écrivains. La poésie connaît également une défaveur éditoriale, on ne la publie plus à cause de critères de rentabilité. Lucien de Rubempré, dans les Illusions perdues de Balzac, se voit rire au nez par Porchon lorsqu'il mentionne son recueil de poésie, quai des Augustins: la poésie . [...]
[...] Le journaliste du XIXème siècle est-il un écrivain raté ? Dès le premier tiers du XIXème siècle, la concurrence devient inégale entre le livre et le journal; comme l'écrit Marie-Ève Thérenty dans La littérature au quotidien, poétiques journalistiques au XIXème siècle, littérature assiste au triomphe du système médiatique». Tous les écrivains de ce siècle, à quelques rares exceptions près, ont été un temps journaliste. Lamartine, Zola, comme George Sand ont non seulement écrit dans la presse, mais ont même créé des journaux de toute pièce. [...]
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