Par Jean-Paul Demoule, archéologue au CNRS.
L'indo-européanisme tient une place importante dans l'imaginaire racial des extrêmes droites, en particulier en Allemagne. Thème dominant de la Nouvelle Droite contemporaine, cette construction à prétention scientifique n'est que le véhicule de la quête infernale de la pureté de la race. Des origines à aujourd'hui, itinéraire d'un mythe.
[...] Et il est inutile de préciser que bien peu seront sanctionnés après la guerre. DU NAZISME À LA NOUVELLE DROITE Sa généalogie intellectuelle fait donc apparaître l'idée indo-européenne sous un tout autre jour. Elle procède d'une cohérence idéologique d'ensemble, dont simplement les conséquences concrètes peuvent différer, selon qu'elles sont ou non, au gré des situations politiques, sociales et économiques, poussées jusqu'à l'extrême. De ce point de vue, la réémergence en France, dans les années 70, de l'idée indo-européenne parmi la panoplie idéologique de la Nouvelle Droite est d'une totale cohérence. [...]
[...] Ces ressemblances ne relèvent évidemment pas de l'hallucination collective. Mais en rendre compte dans les termes d'un arbre généalogique à partir d'un point-origine unique est extrêmement pauvre et réducteur, et ne correspond d'ailleurs pas à une bonne partie des faits observés. Il faut donc imaginer que les contacts prolongés, pendant des millénaires, de centaines de groupes humains successifs dans l'espace eurasiatique ont évidemment créé, par rencontres, osmoses, emprunts, et parfois aussi conquêtes, les nombreux points de convergence constatés. Il faut donc abandonner ce modèle arborescent, si pauvre et si funeste, pour des hypothèses historiques infiniment plus riches et plus complexes. [...]
[...] C'est pourquoi les études indo-européennes ne rencontrent-elles symétriquement, pendant tout le 19e siècle, aucun écho en France ou en Angleterre. En France, l'ouvrage fondateur de Franz Bopp ne sera traduit que très tardivement; en Angleterre, le premier indo-européaniste officiel, Friedrich Müller, mort en 1900, est un allemand, élève de Bopp. Dans ces deux pays, les archéologues se désintéressent de la quête du berceau des origines indo-européennes, si populaire en Allemagne. Quant aux anthropologues physiques qui s'efforcent dans la seconde moitié du 19e siècle de définir les races humaines avec leurs aptitudes et, bien sûr, leurs inégalités, ils font montre de la plus grande méfiance. [...]
[...] Si certains participeront directement au génocide par leurs expériences sur des détenus, d'autres décideront de la vie ou de la mort d'une partie de leurs compatriotes par leurs expertises raciologiques, sensées déterminer arianité ou non, des cas qui leur était soumis. D'autres, enfin, sans y être impliqués personnellement, se contenteront d'approuver la politique raciale. Ainsi, les expériences du docteur Mengele ne constituent pas non plus un détournement monstrueux et exceptionnel. C'est l'ensemble de la collaboration des généticiens et médecins avec le régime qui est en cause. [...]
[...] En revanche, Kossinna est incontestablement un nationaliste allemand. Il tentera de fournir aux négociateurs allemands du Traité de Versailles des arguments archéologiques à l'appui du redécoupage des frontières respectives de la Pologne et de l'Allemagne et son maître-livre, constamment réédité, s'intitule La préhistoire allemande, une science au plus au point nationale. LA LOGIQUE DU NAZISME Kossinna meurt en 1931, trop tôt pour assister à la mise en pratique de ses théories archéologiques. Mais la théorie des origines nordiques, voire d'un atlantide nordique englouti comme chez Vacher de Lapouge, est partagée par un certain nombre d'idéologues nazis. [...]
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