Les opérations dans lesquelles les forces armées françaises ont été engagées depuis quelques années ont mis en évidence un changement profond de la nature des crises. Désormais multiformes, celles-ci donnent lieu à des interventions de types très divers assistance humanitaire, évacuation de ressortissants, maintien ou rétablissement de paix, rétorsion... opérations qui ne sont pas exclusives les unes des autres) et l'on peut constater qu'elles n'épargnent plus le continent européen.
Cette évolution a été accompagnée d'une modification du rôle des armées ou, plus exactement, d'une extension de leurs missions traditionnelles. Considérées autrefois soit comme un outil de conquête, soit comme un outil de survie de la nation, leur emploi était essentiellement conçu à travers des engagements d'envergure souvent meurtriers. La mission primordiale des armées reste bien sûr la préparation à l'action de la guerre, mais l'importance des crises est devenue telle que les armées ont tendance à devenir aussi davantage l'un des moyens privilégiés pour la gestion des crises. Dans cette gestion, un des modes d'action possibles consiste à porter assistance aux États, aux collectivités ou aux individus. C'est dans ce cadre que s'inscrivent les missions humanitaires des armées françaises (...)
[...] Mais son intention et ses tentatives furent réelles, c'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de différencier l'humanitaire qui se situe sur un plan moral où l'intention compte autant que le résultat, du politique où seul le résultat compte. Deuxième aspect du problème : la gesticulation (au sens militaire du terme) humanitaire sert de plus en plus de substitut à la diplomatie et nos gouvernements engagent des opérations humanitaires sur un court terme comme ils engagent des actions culturelles sur un long terme. On fait de la diplomatie en assurant une mission humanitaire en Yougoslavie parce que les politiques et les militaires ne trouvent pas de solution à la crise. [...]
[...] Une seconde raison rend les actions humanitaires de l'armée problématiques : les gouvernements démocratiques estiment aujourd'hui qu'il est de leur mission d'intervenir sur le plan humanitaire dans les grandes crises internationales. Ce phénomène répond à une motivation réelle d'intérêt politique que je ne juge pas négativement. Seulement je me méfie de cette bourrade amicale et complice qui pourrait fragiliser, non pas MSF ou tout autre organisme humanitaire, mais l'action humanitaire dans sa globalité, du fait de la confusion des rôles et du brouillage d'un certain nombre de cartes dans ce domaine. [...]
[...] Une codification réussie des rapports entre civils et militaires concerne cependant essentiellement les actions de santé publique, parce que celles-ci s'inscrivent dans le long terme et parfois dans le cadre d'accords internationaux. Dans les cas où l'urgence est plus aiguë, l'association des militaires et des civils dans le domaine humanitaire est plus problématique car la puissance publique ne s'engage en règle générale que lorsqu'elle y trouve un intérêt géostratégique. Rony Brauman : Il me semble que l'humanitaire est en train de traverser une crise qui serait paradoxalement une crise de succès, à cause de l'extraordinaire engouement dont il est l'objet de la part des États et des institutions internationales. [...]
[...] Aujourd'hui encore, nous n'avons aucun problème pour nous rendre dans les régions kurdes, alors que le gouvernement irakien nous oblige à diminuer notre présence dans les régions chiites. Les pouvoirs politiques locaux ont donc fortement participé à la création de cette situation, alors que les événements qui eurent lieu à la frontière turque et dans les régions kurdes sont largement le fait des responsables occidentaux. Entre-temps, la situation s'est dégradée. En raison des entraves et des tracasseries incessantes du gouvernement irakien, MSF a quitté Bagdad pour poursuivre ses opérations au Kurdistan d'Irak à partir du territoire turc. [...]
[...] La finalité de ces opérations reste toujours liée à la préparation au combat des armées, mais Ton peut constater une grande similitude d'approche opérationnelle dans les situations de crise, et celle-ci peut rapprocher les organismes humanitaires des armées, au-delà de leurs finalités différentes. [...]
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