Yasmina Reza est une dramaturge française du XXe siècle dont la première pièce créée en 1987 "Conversations après un enterrement" dénonce déjà le ridicule de ses contemporains. Son plus grand succès est la pièce "Art" parue en 1994 dont nous étudions ici l'incipit. Elle nous y raconte l'histoire de Serge qui achète une toile extrêmement chère dont son ami Marc ne supporte pas le prix et ne comprend pas l'intérêt. Leur ami commun, Yvan, va devoir intervenir comme médiateur.
[...] Marc invite par deux fois son ami Serge à rire sur un ton injonctif avec l'impératif ris (l.62), il suggère en appelant à un peu d'humour que Serge en est dénué et qu'il prend trop sérieusement la chose. Le procédé anaphorique interrogatif A qui tu parles (l.73) et l'onomatopée hou hou ! (l.73/74) est là pour essayer de calmer le jeu. Le verbe/nom rire est répété à de nombreuses reprises 87/88). Serge, vexé, souligne que seul Marc peut s'y prêter que ça te fasse rire (l.66/67). Il qualifie ce rire de façon péjorative, de prétentieux, perfide puis de qui sait mieux que tout le monde et finit par admettre qu'il le déteste j'ai haï ce rire (l.88). [...]
[...] Il va être le personnage neutre, l'intermédiaire entre Serge et Marc que l'art oppose et sur lequel il ne porte aucun avis tranché. Yvan n'est pour l'instant que cité, s'il est absent c'est que son rôle sera défini par rapport à ce qui se joue dans ces premières séquences. En effet, pour être sollicité en tant que médiateur, il faut déjà qu'éclate un conflit. Il sera appelé par Marc au tableau 6 comme tiers nécessaire à la progression de l'intrigue, ce qui souligne la limite des deux personnages. Il faut un autre horizon afin de rendre de nouveau possible la discussion. [...]
[...] Marc débute la pièce avec un monologue qui sous l'apparence d'une présentation sobre et objective va laisser entrevoir ses premières réticences. Son bref portrait sous une apparence d'objectivité dénué de jugements négatifs clairement identifiables c'est un garçon qui a bien réussi il est médecin dermatologue il aime l'art présente Serge de façon certes positive. Néanmoins, la description laconique, presque mécanique, illustrée par le présentatif c'est (l.7) laisse percer une certaine froideur à l'égard de cet ami. La typographie en italique du nom art (l.8) suggère de façon négative que Serge lui accorde un statut particulier. [...]
[...] Marc n'y voit en rien un bon placement d'autant qu'il ne connaît absolument pas la galerie qui peut reprendre la toile à vingt-deux 27) briques : qui est- ce ? (l. 23). Les points de suspension des répliques de Marc aux lignes et 38 et la triple répétition de l'adjectif qualificatif aisé suggèrent qu'il ne s'explique pas l'achat grotesque de Serge. Il n'use pas du mot merde pour choquer son ami, il pense réellement que ce tableau ne présente aucun intérêt et que rien ne justifie son prix de vingt briques (l. 106). [...]
[...] Notons qu'en fin de passage, Marc à son tour parlera de Serge comme d' un ami (l. 96/97) oubliant la formule possessive. Cependant, le fait qu'il connaisse suite au dialogue une angoisse indéfinie (l.91) qui l'oblige à sucer trois granules (l. 92) homéopathiques prouve qu'il n'est pas indifférent au sort de Serge. Par l'anaphore aucun(e) (l.83, 84,85), celui-ci commence la critique de son ami. Donc, dès les premières lignes de la pièce, nous savons que les uns vont juger les autres. [...]
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