"Si la presse n'existait pas, il ne faudrait pas l'inventer" (in "La revue parisienne", 1840) Cette citation de Balzac est au premier abord assez paradoxale puisque celui-ci regratte l'existence de la presse, et utilise une revue pour transmettre cette information. Cependant, en 1840, la presse écrite n'est pas encore très développée ni très diversifiée, les journaux relayant tout type d'information ne pèseront de tout leur poids qu'à la fin du XIXe siècle.
De plus, Balzac, à cette époque vit dans une société qui se libéralise progressivement depuis 1789, bien que l'auteur exprime son point de vue sur la presse écrite sous la Monarchie de juillet. Ainsi, on peut en partie comprendre la manière dont Balzac voit l'émergence de ce nouveau média : inutile, susceptible de commettre des dérives, des méfaits, ou encore de pervertir la société. Quand on regarde pourtant à quel point la presse a pu œuvrer pour la démocratie pendant les décennies qui ont suivi cette année 1840, on est aussi tenté de réfuter de manière absolue l'opinion balzacienne.
Il conviendra alors d'expliciter en quoi le point de vue de Balzac est justifiable et de mettre en évidence des éléments pour appuyer sa thèse.
[...] Aussi, la présence de magazines people ou spécialisés tend de plus en plus à pervertir l'offre journalistique. Quel est l'intérêt du citoyen à être au courant dans les moindres détails du mariage de Nicolas Sarkozy ou de ses vacances ? En plus de personnaliser un peu trop le pouvoir, la presse peut aussi participer à une déstabilisation des démocraties. En étalant la vie privée des politiques, on attise le plus souvent le sentiment de défiance des citoyens à l'égard du pouvoir en place. La rupture entre gouvernants et gouvernés devient plus forte, voire exagérée. [...]
[...] Ainsi, la presse pouvait être vecteur de divisions et monter les individus les uns contre les autres. De ce fait, on peut se rendre compte que Balzac était particulièrement prévoyant lorsqu'il annonçait de possibles dérives de la part de la presse. Par exemple, avec l'apparition de la télévision, qui pose un défi considérable à la presse écrite, cette dernière a subi quelques évolutions qui pervertissent son rôle. Pour s'adapter, les journaux ont commencé à adopter le style télévisuel, à savoir une mise en page plus vive et plus attrayante, mais surtout un style informatif concis qui limite considérablement la portée et la qualité des analyses présentées. [...]
[...] C'est en effet ce point-ci qui semble mettre le plus en danger la démocratie : une liberté de presse bafouée et la volonté de faire primer ses aspirations. Il est ici utile de prendre l'exemple des régimes autoritaires et totalitaires. La censure y prédomine et la seule fonction de la presse est de prôner l'harmonie avec le régime en place. Tout opposant est muselé ou éliminé, alors la population est comme hypnotisée par l'idéologie puisqu'on n'entend qu'elle. En outre, dans ces régimes, la presse sert aussi à masquer la réalité. [...]
[...] Elle dicterait sa vision du monde aux autres, ce qui contribuerait au renforcement du possible caractère antidémocratique de la presse. Pour autant, on ne nomme pas le quatrième pouvoir ainsi sans raison. La presse aussi a des vertus, et il est nécessaire de les mettre en lumière. En premier lieu, la presse, avec l'école, est un des principaux instruments d'éducation des masses. Il existe des quotidiens gratuits qui relaient l'information, ce qui atténue le coût relativement important des autres journaux, même si ces derniers sont plus sérieux. La presse contribue à démocratiser la société. [...]
[...] A la lumière de cette analyse, la présente citation de Balzac est tout à fait percutante, tant elle nous invite à réfléchir sur l'action de la presse, y compris dans nos sociétés contemporaines, où le quatrième pouvoir est une habitude qui s'est enracinée. En nous faisant analyser les possibles dérivent des journaux, Balzac nous permet aussi de comprendre ce qui fait la force de la démocratie . En effet, bien que la presse puisse participer à la mise en danger de cette dernière, elle constitue aussi un de ses fondements. Il parait alors difficile de penser la démocratie si la presse lui fait défaut, bien que des cas semblables aient existé dans l'histoire. [...]
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