Le film qui met en scène le rôle et le fonctionnement de l'Armée d'Afrique est un projet que son réalisateur, Rachid Bouchareb, fils d'immigré algérien, tient très à coeur. En effet, l'un de ses oncles a fait la guerre d'Indochine et son grand-père s'est battu lors de la Première Guerre Mondiale. Rachid Bouchareb insiste sur sa volonté de "transmettre au public un chapitre historique absent de tous les manuels scolaires". Il veut sortir de l'oubli toutes les vies sacrifiées pour la France et la liberté. Cinq années sont requises avant la réalisation du film. Pendant un an, des témoignages d'anciens combattants sont recueillis en France, en Algérie ou au Sénégal. Vingt sept versions du script sont écrites.
Le problème est qu'un tel film demande beaucoup d'argent. Une réelle croisade politique fut menée afin de réunir les fonds nécessaires pour le film. Enfin, Rachid Bouchareb trouve un allié majeur en la personne de Jamel Debbouze, qui lui donne un million et devient coproducteur, mais qui permet aussi, de par sa relation étroite avec le roi du Maroc, Mohammed VI, de tourner avec 500 soldats et une infrastructure militaire complète.
[...] Indigènes retrace le parcours de quatre "indigènes" venus du Maroc ou d'Algérie en 1944-1945 pour la lutte contre le nazisme et la libération de la France. Le film repose sur quatre personnages centraux qui, bien que venant de quatre horizons différents, se réunissent autour d'un même combat et partent combattre victorieusement en Italie, en Provence, dans les Vosges. Ils finissent cependant piégés, seuls survivants de leur bataillon décimé, dans un village alsacien, face à un bataillon d'Allemands. Les hommes doivent aussi combattre l'injustice au sein de l'armée française qui favorise les français métropolitains et envoie les indigènes se faire tuer en première ligne, comme du vulgaire bétail (...)
[...] Son personnage est inspiré de la biographie de Ben Bella, qui fut (lui) décoré pour ses fais d'armes. Au-delà de son sens du devoir, son rejet progressif de la France se fait donc au nom des valeurs françaises/de la République. Notez que, guerre d'indépendance ou révolution, ce sont souvent jusqu'à maintenant des hommes de son genre qui font le succès d'un mouvement révolutionnaire. Soit des cadres subalternes dont l'ascension sociale, pour des raisons institutionnelles, est bloquée. Quand la promotion sociale est ainsi massivement bloquée, elle entraîne la formation d'une classe d'élite potentielle sans emploi ni fonction, renvoyée du côté des couches les plus pauvres de la société (souvent strictement indifférentes (fatalisme à la politique et à la domination) : voyez aussi Robespierre ou Gandhi. [...]
[...] Cependant, il prétend être un français métropolitain, et comme il est blanc de peau, il réussit pendant un moment à duper ses hommes. Il soutient l'idée que les indigènes n'ont pas le droit de manger des tomates. Il insiste sur sa supériorité, faisant de Saïd son serviteur lui apportant son café et lui tenant la glace pendant qu'il se rase. Cependant, tout se complique quand Saïd découvre la photo et lui fait savoir. Pour le sergent, le rejet de soi- même se transforme en un rejet de ses semblables. Le sergent devient violent, empoigne Saïd et le menace. [...]
[...] Abdelkader (Sami Bouajila) est sans doute le personnage le plus intéressant. C'est un jeune caporal instruit et assoiffé de revanche sociale mais aussi un penseur révolutionnaire qui se bat au nom de la liberté et de l'égalité entre les hommes[1]. II) La thématique du rejet On peut voir dans ce film l'expression de l'idée de rejet sous deux angles différents : il peut mener au rejet de soi-même (impact négatif) ou pousser à la quête de la reconnaissance (aspect plus constructif). Le cas du sergent Martinez (Bernard Blancan) est intéressant. [...]
[...] Abdelkader est oublié, déshumanisé, dépouillé de toute relation sociale[2]. III) Un enjeu politique et psychologique ? Indigènes lève le voile sur une période trouble de l'histoire française. Ce film entend rétablir la vérité historique et rendre hommage aux indigènes C'est un film où l'esthétique sert le symbolisme. Chaque chapitre du film est séparé par la prise d'un paysage qui, tout d'abord filmé en noir et blanc semble figé, puis prend vie avec son passage progressif, de gauche à droite, à la couleur. [...]
[...] Ce lumpen intellectuel prend ainsi, dans sa situation bloquée, conscience de son identité et structure un discours de libération. Il est vraisemblablement dans un foyer Sonacotra dont c'est cette année le centenaire destinée d'abord aux travailleurs algériens, puis étrangers dans leur ensemble et souvent localisés près de leurs employeurs potentiels (usines automobiles, etc.) Il y a aussi, dans le fait même qu'il est en France, le problème des immigrés de deuxième et troisième génération vivant dans les cités : celui d'être indigènes partout (en France, comme en Algérie), étant donné que souvent on leur fait sentir qu'ils ne sont pas d'ici, quelle que soit la rive de la Med. [...]
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