Six personnages en quête d'auteur, Luigi Pirandello, étude, dénouement, pièce
Lʼart théâtral nʼest quʼune chaîne dʼoxymores, le théâtre est le lieu de toutes les contradictions, Anne Ubersfeld (Prélude à la représentation) «Le théâtre, la princesse gardeuse dʼoies, robe couleur de lune et peau dʼâne, le théâtre exhibe lʼinsoluble contradiction, lʼobstacle devant lequel la logique et la morale assise rendent leur tablier»
Le grand paradoxe théâtral réside dans un perpétuel questionnement sur la part de fiction et de vérité, qui ne font que sʼentrecroiser, tant dans le cheminement de lʼécriture théâtrale, de la création, et de la représentation. Cʼest bien cette question qui constitue un leitmotiv de la pièce de Pirandello et qui trouvera son apogée à la fin de la pièce.
Le dénouement doit être traditionnellement :
- nécessaire (ne doit pas venir comme un cheveu sur la soupe)
- complet (chaque personnage doit trouver sa finalité)
- rapide et simple
Cette fin ne tend pas à rechercher les qualificatifs du dénouement théâtral, justement car elle doit mettre en avant les paradoxes des artifices théâtraux.
Ce nʼest pas un dénouement final, et cʼest bien ce qui a suscité nombre de protestations, lors de la première au Teatro Valle à Rome en 1921. Pirandello met dans ce dénouement à nu le sombre Oxymore du théâtre, et cʼest sur quoi finalement le spectateur est amené à sʼinterroger.
[...] A son image, il a accueilli les personnages, les a fait mûrir sans le vouloir. Pirandello met en scène les spectateurs par lʼintermédiaire des comédiens qui ont assisté à la représentation du drame des personnages, et ce sont ces même acteurs qui vont se quereller sur la question «fiction/réalité» Cette fin semble être un appel au spectateur. Le spectateur italien de lʼépoque est passif, il ne réfléchit pas, il accepte la convention théâtrale, Pirandello éveille la fameuse question de conscience de la vérité, le spectateur est-il conscient du paradoxe théâtral ? [...]
[...] Lʼoxymore prend tout son sens ici, puisque cʼest le plateau tout entier et la salle qui sʼallument dʼun seul coup, cʼest à dire que la scène et la salle ne fond plus quʼun tout à coup, une communion qui inclut lʼaire de jeu dans le réel. On verra dans la troisième partie une signification plus métaphorique de la lumière. Enfin, la dernière lumière fait apparaître les personnages Pirandello nous montre ici bien le paradoxe de lʼespace théâtral, en effet, même sʼil ajoute un semblant de décor sur la scène nue, ce nʼest que pour souligner son aspect artificiel, presque ridicule. [...]
[...] Enjeu exorciste du dénouement : libérer lʼhomme dʼun démon qui est en lui, celui qui lui fait confondre fiction et réalité. (évocation des ombres : théâtre dʼombre chinois, à lʼorigine, intérêt religieux, pouvoir exorciste) Fonction de malédiction : projecteur vert, rire diabolique de la belle-fille, elle jette un sort au public. Les six personnages, des envahisseurs : Ils arrivent sans quʼon les demande, ils racontent leur drame, imposent au directeur de théâtraliser leur histoire, et finalement, ils parviennent à leur fin, occupent lʼespace, aménagent, font de la scène finalement leur «chez-soi». [...]
[...] (on aura ensuite la descente de la belle-fille dans le public, brisure du quatrième mur, du cadre, leitmotiv de la pièce) Comme cela, Pirandello nous montre avec combien de facilité finalement on peut passer de fiction à réalité, et ainsi traduit lʼaspect illusoire dʼun espace sténographié traditionnel, quʼun rien peut faire basculer. Ligne 2258 : «comme par lʼeffet dʼune fausse manoeuvre» : apparition des personnages, montrant ainsi lʼarrière du décor. Enfin, traditionnellement, le décor joue un rôle dans la règle de bienséance puisque celui-ci cache le drame . théâtre naturaliste, Tchekov, Ibsen, personnages qui se suicident dans la pièce voisine, on entend les coups de feux mais on ne voit pas les corps sʼeffondrer en direct. [...]
[...] La Lumière La lumière tient ici une place essentielle. Elle tient en éveil la connexion entre fiction et réalité Ligne 2245 : une lumière très vive sʼallume (après mort du fils + bataille entre acteurs fiction/réalité) : la lumière totale allumée dans la salle signifie traditionnellement la fin de la représentation, cʼest à dire la fin de la convention théâtrale, le moment où ce nʼest plus que lʼespace scénique qui est éclairé. Quand une salle se rallume, cʼest le retour à la réalité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture