Même si des nouvelles peines alternatives à l'enfermement ont vu le jour ces dernières années, l'incarcération totale reste, avec celle du dédommagement financier, l'une des plus utilisées. Ainsi en janvier 2008, ce sont 61 000 personnes concernées par cette vie mise entre les barreaux, mise entre parenthèses, à l'écart de la société.
C'est dans ce monde si particulier, car privant les individus des principes mêmes de la devise de la République : « liberté – égalité – fraternité », que l'art et la culture semblent dès la première approche comme un sujet provocateur, aux termes contradictoires. Entre l'enfermement et la liberté, la passivité et l'actant, le gris et la couleur, les barreaux et l'horizon, l'uniformisation et la diversité, les antinomies sont nombreuses, et présentes au sein d'un même sujet : l'art et la culture en prison.
Mais tout autant que l'art et la culture sont captivants, nous ne pouvons passer à côté de l'histoire de ce lieu si ancien et privatif, acquis par notre société. Car si l'apport de l'art et de la culture dans ce milieu m'a tout de suite sauté aux yeux, il n'a été que révélateur de toute une institution implantée dans notre société aux spécificités plus qu'intéressantes, et dont l'évolution vers une volonté d'humanisation n'est finalement que très récente.
C'est en étudiant ce système, ce qu'il prône et ce qu'il s'y passe en réalité, que j'ai ainsi pris connaissance du fait que l'art et la culture n'étaient finalement acceptés en détention que depuis très peu de temps. C'est grâce à l'évolution de la société, et notamment la volonté d'amener la culture pour tous, que la prison a pu faire entrer les premières interventions professionnelles et reconnues par l'Etat.
Mais plus que ça, l'art et la culture se sont revêtus d'une fonction de « réinsertion » au sein d'un programme commandité par l'Administration pénitentiaire.
C'est ainsi que nous allons étudier la place de l'art et de la culture en prison, en particulier dans ce programme de réinsertion. Nous ne considérerons donc que les détenus qui seront un jour reconfrontés à la vie en société, les condamnés à perpétuité ne pouvant entrer dans cette logique.
[...] Cette capacité cathartique donnée à l'art peut être considérée thérapeutiquement. Seulement, les activités dont nous parlons sont amenées par des artistes et non du personnel médical. Il ne s'agit donc pas du tout pour eux de se prêter à une analyse de leur travail, dans le but de guérir l'individu à son insu. Dès que l'on commence à vouloir donner un rôle unique à l'art, à vouloir le qualifier à un programme thérapeutique, on tend à perdre la force d'engagement [de soi] [ ] puisée dans la capacité d'indépendance de l'art Pour la plupart des intervenants artistiques et professionnels agissant pour l'entrée de l'art en prison, assimiler leur action à une pratique psychothérapeutique n'est pas ce qui les intéresse. [...]
[...] Avec le temps, il franchit donc l'étape de réagrégation en intégrant et faisant siens les principes de la prison. Ainsi, l'individu en intériorisant les contraintes de l'institution, se permet la restauration de soi et de son identité. Plus la personne placée sous main de justice reste longtemps enfermée, plus elle développe ce qu'on appelle communément une sous-culture carcérale Son univers est de nouveau tracé et intelligible : les effets néfastes de la détention sont assimilés et perdent ainsi de leur dangerosité sur le psychique. [...]
[...] Ce à quoi le gouvernement répondra en partie par la modernisation des prisons. Les philosophes de ce XVIIIe siècle ont poussé plus loin le raisonnement sur la condamnation : la prison comme lieu de punition, mais aussi et surtout, comme lieu d'aide à l'individu. Ainsi, l'idée du travail forcé, agissant comme réformateur et resocialisant, aiderait le condamné à regagner le droit chemin Ne sont-ce pas là les prémisses d'une volonté de réinsérer ? Néanmoins, les textes de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 légaliseront seulement l'enfermement pratiqué depuis longtemps, et ne traiteront point du thème de l'amélioration possible des individus à travers un programme réfléchi. [...]
[...] Des lieux différents Il s'agit dans un premier temps de planter le décor La prison n'est pas une infrastructure à modèle unique comme nous pourrions le penser. En effet, l'appellation de la prison, comme ses caractéristiques, change d'un lieu à un autre. Le condamné peut être incarcéré dans l'une ou l'autre de ces structures. En fonction de son placement, il ne bénéficiera pas des mêmes avantages. Ainsi, les programmes de réinsertion, en particulier les activités artistiques, ne sont pas autant accessibles pour tous. Il existe trois grands types d'infrastructures appliquant l'enfermement total : la maison d'arrêt, le centre de détention et la maison centrale. [...]
[...] L'atelier va en tout cas être le lieu de la naissance d'une complicité entre participants. Les détenus sont conscients de ce partage particulier dont ils bénéficient au sein de la prison. Et sous l'impulsion de l'intervenant, les individus sont amenés à aller quelque part ensemble, à regarder dans la même direction, même si la création finale est individuelle. On pourrait parler de complicité de construction Subséquemment, l'atelier collectif, guidé par l'intervenant, oblige à une proximité intelligente entre détenus : c'est-à-dire savoir être confronté à l'autre, à sa présence, à ses productions matérielles, ses idées, ses points de vue, en faisant preuve de tolérance et d'ouverture d'esprit. [...]
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