Cette troisième mise en scène d'Electre d'Antoine Vitez est considérée comme une synthèse et un dépassement des deux premières. Toujours liée au contexte historique, elle double la réalité du simulacre et du quotidien d'un au delà poétique et sensoriel. Cette mise en scène d'Electre sera l'exemple de la contemporanéité et du réalisme, celle qu'Antoine Vitez aimait à surnommer « Electre dans sa cuisine ».
L'analyse de toute représentation repose sur sa matérialité. Si cette mise en scène d'Electre se veut différente des précédentes, elle n'en reste pas moins similaire dans sa traduction de Sophocle. Le texte devient alors un des éléments de représentations et n'apparaît que comme une partie analysable d'un élément concret, la voix. Or la voix à son tour ne peut exister que dans un espace scénique et ce qui le structure, les comédiens. La voix dans l'espace est ainsi liée au langage du corps des comédiens. Voix et mouvements dans l'espace se fondent alors. La plainte d'Electre vacille entre la déchirure du cri et la mélodie du chant : il est le fil qui transperce le temps et l'histoire donc l'espace scénique. En effet, Antoine Vitez maintient ouverte « la béance du temps qui a passé » (Martine Million in Electre et le poison de la tristesse) dans une oscillation perpétuelle entre l'antique et le très quotidien. Si le contemporain est omniprésent sur la scène du théâtre, ce n'est pas à la place du mythique et de l'antique, mais d'une relation de coprésence entre les deux et par là même, entre les divers éléments scéniques tels que la voix et le mouvement dans cet espace.
[...] Son corps est gêné (attachement aux plaisirs sexuels coupables) et raide (les remords). Instable, crispée, elle dénote un caractère hystérique sous le masque (avec son maquillage notamment) de la tranquillité. Elle passe par tous les états: elle clopine (lorsqu'elle veut frapper Electre avec sa chaussure), rampe (avant- de mourir), tourbillonne (de joie), elle pousse le coryphée aveugle. Elle est incapable de se contrôler, possédée par ce corps dont l'énergie lui est extérieure et la gouverne. Le coryphée et Oreste reprennent à leur tour les signes qu'effectuait Electre sur son front. [...]
[...] Peut-on oublier les morts ? Electre ne cesse de projeter sa plainte, de la répéter inlassablement avec cette volonté à toute épreuve. Dans sa quête de justice, Electre ressasse tour à tour pour elle, pour les autres, pour qui voudra l'entendre. Elle ne se soumet pas à l'autorité qui la tient recluse pour l'empêcher de parler. Electre est un personnage actif donc sa voix est active. Elle crie beaucoup et lance ses paroles comme des jets verticaux quand elle se parle à elle-même ou horizontaux comme des coups de glaive lorsqu'elle s'adresse à ses interlocuteurs. [...]
[...] D'un certain âge, il montre le sérieux et le sang-froid. Pylade quant à lui fait figure d'action, de jeunesse inconsciente, d'homme de main. Sa gestuelle disciplinée mais néanmoins brusque est irréfléchie. Il obéit au moindre signe. Chrysothémis est d'un certain poids et pieds nus comme Electre. Un rythme musical se met en place avec sa démarche. Elle revient sur ses pas, avance de manière incertaine, apeurée. Son énergie est retenue, refoulée. Elle représente l'hésitation autant que l'impuissance. Son incapacité se trahit quand ses mains retombent, quand elle s'assoit lourdement. [...]
[...] Voix et mouvements dans l'espace se fondent alors. La plainte d'Electre vacille entre la déchirure du cri et la mélodie du chant : il est le fil qui transperce le temps et l'histoire donc l'espace scénique. En effet, Antoine Vitez maintient ouverte la béance du temps qui a passé (Martine Million in Electre et le poison de la tristesse) dans une oscillation perpétuelle entre l'antique et le très quotidien. Si le contemporain est omniprésent sur la scène du théâtre, ce n'est pas à la place du mythique et de l'antique, mais d'une relation de coprésence entre les deux et par là même, entre les divers éléments scéniques tels que la voix et le mouvement dans cet espace. [...]
[...] Ce peut être aussi celles du souvenir que l'on retrouve avec la crainte de le voir s'échapper et disparaître à jamais Toute la rupture du rythme est vécue par les personnages comme une déchirure, comme une blessure inattendue. En outre du règne des idées et des sentiments naît le corps poétique des acteurs de drame. A ce corps s'attache une voix poétique, dont le verbe donne l'expression articulée et métaphorisée du sensoriel et du sensible. La parole du geste prolonge celle du texte, en composant une nouvelle image poétique susceptible de concrétiser les mots prononcés. [...]
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