Synthèse proposant une réflexion sur les moyens (dispositifs, logiciels, installations etc.) utilisés par les vidéastes pour faire éprouver l'espace et le temps et les bouleversements que cela implique dans la perception de ces deux notions par le spectateur devenant par la même occasion un "spect-acteur".
[...] Comment les artistes jouissent-ils de leur nouveau rapport de force à l'espace et au temps ? Présenter une oeuvre vidéo c'est avant tout l'inscrire dans l'espace. Ainsi, les vidéastes choisissent de créer un nouvel espace dans le cadre muséal, donnant à voir un rapport inédit avec le spectateur qui oublie les quatre murs qui l'entourent. Ainsi, l'espace muséal se décloisonne avec Roundelay de Rondinone, vidéo projetée sur des écrans géants tout autour d'un spectateur hagard, face à la marche éternelle d'un homme et d'une femme qui ne se rencontreront jamais. [...]
[...] Cette nouvelle conception de l'espace entraîne un rapport de force avec le spectateur qui, non seulement expérimente un nouveau lieu mais est actif dans celui-ci, par opposition avec ce que suppose la diffusion de vidéos pré-enregistrée. De même, pour de The passage de Viola, le spectateur est contraint de s'avancer dans un couloir où l'image d'une fête ralentie à 6h30 et élargie lui fait face. Ce nouvel espace prend le spectateur à témoin tout en lui offrant un large pannel de possibilités ; en effet, le procédé Cave, introduit par Benayoun, lui permet, par exemple dans World skin, d'appréhender la réalité virtuelle et son implication directe dans ce nouvel espace numérique car, ici, le spectateur efface la noirceur du lieu avec les photographies le représentant. [...]
[...] Vous appuierez votre développement sur des exemples précis d'artistes et d'oeuvres. Toute une génération d'artistes vidéastes a connu l'invention du Portapak en 1960, les rendant désireux de livrer un regard neuf sur le monde grâce à ce nouveau dispositif. Enregistrer l'image, c'est avoir un nouveau rapport au monde, sentir la fuite du temps et son inconsistance alors qu'il défile sur le moniteur. Filmer permet aussi de réduire un espace en trois dimensions pour en redonner une vision troublée et plane, à échelle humaine. Comment appréhender alors l'art vidéo ? [...]
[...] La vidéo permet aussi d'introduire une nouvelle expérience du temps, temps éprouvé et ralenti, temps sensible qui présage ses limites. Le circuit fermé mis au point à la fin des années 70 présageait une nouvelle temporalité: l'image enregistrée live s'affichait sur le moniteur, permettant aux artistes, et en particulier à Acconci, de scruter cette réalité magnétique pour en livrer une vision d'un temps éprouvé et ne gardant qu'un fragment infime d'un geste, d'une parole créés. Candice Breitz avec Mother and father se joue de la temporalité, la ralentissant à son extrême, puis la faisant jouer en boucle, livrant ainsi un regard sarcastique sur les icônes américaines et leur jeu, ô combien faux. [...]
[...] Ici, ce rapport au temps privilégie les capacités de ce medium à retranscrire le réel. Bill Viola, à son tour, dans Reasons for knocking at the door of an empty house se mettra face à l'oeil de la caméra (comme l'appelait Beckett) durant trois jours et trois nuits de veille, frappé inlassablement par une revue quand il se laisse gagner par la fatigue. L'artiste expérimente donc par sa performance le temps et ses limites et l'oeuvre qu'il offre au spectateur, lui donnez la possibilité, à sa manière, de jouir d'un rapport privilégié avec l'artiste. [...]
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