« Atteindre l'absolu par le dérèglement de tous les sens... »Le Dérèglement, voici ce qu'au diapason de Rimbaud, Jean Tinguely aspire à travers cet Hommage à New-York, oeuvre hétéroclite transfigurée en happening au mois de mars 196O. Il n'est pas chose aisée d'aborder le travail de Tinguely aujourd'hui, au regard des complexités techniques et biographiques qui incombent à son art, aussi, la présente oeuvre ne fait nullement exception. Difficile d'abord en premier lieu par la double nature de cette réalisation, se scindant eux deux perspectives distinctes : la réalisation sculpturale de l'oeuvre, auquel l'artiste fut assisté par Robert Rauschenberg et Billy Kluver, ainsi que son intégrale autodestruction sur vingt-huit minutes, relevant également de l'expérience artistique en son sens le plus large. Sculpturalement, car l'on parle bien ici de sculpture, il s'agit là d'une oeuvre composite, réalisée en un assemblage motorisé d'un piano à queue, d'un ballon météorologique, d'une radio, d'un adressographe, de deux machines à dessiner (qu'il présenta préalablement individuellement en 1954 sous le nom de « Méta-Matic »), de pièces détachées automobiles (avertisseurs, roues et embrayages), chutes de ferrailles diverses ainsi que, élément pilier de l'oeuvre de Jean Tinguely, plusieurs dizaines de roues de toutes tailles et toutes origines. La multitude, l'accumulation et l'étouffement émanèrent de cette oeuvre atypique et éphémère, qui à l'image d'un amas métallique hybride et informe, s'impose comme une masse pleine et sans issue sur le vide d'un espace, se voulant le plus neutre possible, bien que s'inscrivant dans un contexte muséal évident car commandée par celui-ci.
[...] La fragilité de l'homme face à la machine démultipliant sa propre nature destructrice, c'est précisément ce que vécut l'artiste durant son adolescence ponctuée par les lourds bombardements de sa ville natale. Il s'agit en somme d'une œuvre titanesque, voire monstrueuse aux proportions inhumaines, qui nécessita sans aucun doute un profond effort physique de conception, participant, en un sens, à cette logique d'inhumanité. En définitive, il s'agit d'une sculpture architecturale hors du commun et profondément novatrice en 1960 par le caractère à la fois transgressif de la destruction, mais également allégorique et symbolique par la présence couplée du son et du mouvement éphémère, dans l'attente diaphane d'une déstructuration certaine. [...]
[...] Il n'est pas chose aisée d'aborder le travail de Tinguely aujourd'hui, au regard des complexités techniques et biographiques qui incombent à son art, aussi, la présente œuvre ne fait nullement exception. Difficile d'abord en premier lieu par la double nature de cette réalisation, se scindant eux deux perspectives distinctes : la réalisation sculpturale de l'œuvre, auquel l'artiste fut assisté par Robert Rauschenberg et Billy Kluver, ainsi que son intégrale autodestruction sur vingt-huit minutes, relevant également de l'expérience artistique en son sens le plus large. [...]
[...] L'œuvre s'étendant sur une large surface, elle est placée, assemblée et activée dans le jardin du MOMA (Museum Of Modern Art) de New York, qui attira nombre d'amateurs et néophytes à l'évènement insolite qui se produisit ce 17 mars 1960. Fort du succès de son manifeste Fur Static projeté en milliers d'exemplaires au-dessus de Düsseldorf, l'Hommage A New York constituera pour l'artiste suisse une réelle percée dans la jeune sphère artistique contemporaine, qui aux années 60, est partagée entre le Nouveau Réalisme de Klein, le Pop Art de Warhol, les premières performances du Fluxus, le Minimalisme naissant ainsi que les aubes du conceptualisme. [...]
[...] La décadence d'une humanité et son pouvoir sauvage et mécanique de destruction, le primat angoissant de la machine sur l'être, ou encore la mort annoncée de l'art, Tinguely illustre, à travers cette œuvre-hommage d'une sensible originalité une phrase qu'il prononça quelques années auparavant : Pour moi, l'art est une forme de révolte totale et complète ! [...]
[...] Les roues tournent, entrainant de multiples corrélations, et sans doute la plus intéressante de toutes, le jeu aléatoire d'un piano à queue. Le mécanisme provoque donc une pression aléatoire des touches, libérant des notes éparses, fugaces et volatiles au moyen d'un marteau mécanique; ainsi la piano n'a, sans doute, jamais été à ce point un instrument à cordes frappées En re-contextualisant, cette volonté de créer le son automatisé par la sculpture elle-même est tout à fait novatrice en 1960, bien que cette démarche fut par ailleurs écho au Piano Optophonique de Vladimir Baronoff-Rossiné, qui dès 1918, préfigura dans la plus grande stupéfaction cet apport du son dans le mouvement. [...]
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