Evoquant la sociologie de la réception artistique en général, Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler attirent dès le départ, l'attention sur le fait que les œuvres en général, qu'elles soient musicales, picturales ou littéraires, n'existent qu'à travers l'interprétation qu'en fait le public. Pour réaliser cette enquête sur la réception de la peinture, les deux auteurs s'appuient sur une observation quantifiée réalisée dans un musée français situé à Aix-en-Provence, Pays de Cézanne, à savoir le musée Granet. Cette enquête qui a pour principale visée l'exploration du comportement des spectateurs multiplie les indicateurs des comportements et des déambulations des visiteurs face à diverses œuvres. Les deux grandes parties à retenir de cette étude sont donc l'acte d'interprétation du « regardeur » au premier plan ; et l'exploration du comportement des spectateurs, les « regardés », au second plan.
L'originalité de ce texte réside dans un premier temps, dans le choix de la forme muséale opté par Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler, pour réaliser cette étude de réception. Le choix de l'observation sur un public de visiteurs de musée tel qu'il est décrit dans le texte, s'appuie essentiellement sur le fait que le maintien du rapport entre « regardeurs / regardés », est facilité par l'espace et le contenu muséal, favorisant ainsi l'expérience artistique.
D'autre part, l'originalité de cette enquête réside aussi dans le choix méthodologique fait par les deux auteurs. En effet, en optant pour une observation ethnographique, Passeron et Pedler se sont démarqués des enquêtes déjà existantes effectuées sur la base du questionnaire et du questionnement. Le choix de l'étude ethnographique à la différence des questionnaires et des questionnements courants impose la constitution de catégories descriptives à la constatation statistique que des œuvres singulières ont été regroupées de manière objective par le comportement visuel de leurs spectateurs.
[...] En effet, en fonction des différents niveaux de diplômes, le temps donné au musée se révèle variable. Les sujets les moins diplômés apparaissent dans la zone moyenne du temps accordé au musée, tandis que les diplômés de l'enseignement supérieur sont représentés de manière assez forte, dans la zone faible du temps donné au musée. Ce sont donc les sujets les plus hautement diplômés qui sont les plus représentés au niveau faible de l'indice. On retrouve dans cette enquête l'effet paradoxal du niveau de diplôme pour un grand nombre d'indices, que ce soit le temps moyen par tableau regardé, le temps consacré aux deux ailes du musée, les comportements déambulatoires ou les préférences pour les toiles singulières. [...]
[...] Concernant les arrêts devant les tableaux les plus prestigieux du musée, l'enquête menée par Passeron et Pedler révèle l'apparition d'une légitimité évidente. En effet, l'ordre des tableaux ayant provoqué le plus d'arrêts s'articule autour de trois artistes qui sont Cézanne, Granet et Revoil, dont la légitimité culturelle n'est plus à faire. Face à cette légitimité, Passeron et Pedler mettent en évidence l'effet coup de chapeau de l'arrêt donné à une œuvre incontournable croisée en public dans un musée. Cet arrêt dépendrait davantage d'une logique mécanique de politesse envers la notoriété des toiles que du temps de plaisir de contemplation d'une œuvre. [...]
[...] À l'inverse, cette enquête révèle que les grandes œuvres de Revoil et de Granet, touchent à la fois professionnels et grand public. Ce qui ressort de ce texte est donc qu'il n'existe pas de rupture fondamentale entre les personnes qualifiées de professionnelles et celles dont la contemplation esthétique ou la lecture ne sont qu'occasionnelles. Les œuvres appréciées le sont donc de manière égale par les professionnels et les habitués. Finalement, ce qui ressort de cette enquête est que les déterminations et les composantes du goût s'écartent tout autant des catégorisations savantes de l'histoire de l'art que des découpages de la sociologie des consommations culturelles. [...]
[...] Ces deux types d'enquêtes permettent deux approches différentes du public et c'est ici ce que cherchent à confirmer Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler à travers l'utilisation de la méthode de l'observation directe, aussi appelée méthode ethnographique. Tout au long de leur étude, Passeron et Pedler n'hésitent pas à comparer ces deux méthodes afin de tirer un maximum d'éléments positifs de la méthode par observation directe. S'astreignant à un long travail de description et d'interprétation, cette méthode par observation permet de mettre à jour la complexité des pratiques sociales, souvent même dans leurs aspects si ordinaires qu'ils finissent par passer inaperçus, passant pour naturels parce qu'ayant été naturalisés par l'ordre social. [...]
[...] Les principaux apports théoriques ressortissants de cette étude sont dans un premier temps liés aux enquêtes déjà menées par le passé ainsi qu'à la comparaison entre la méthode d'enquête par questionnaire et celle utilisée par Jean-Claude Passeron et Emmanuel Pedler dans cette enquête sur la réception de la peinture. En effet, à la différence des questionnaires et des questionnements courants qui se contentent d'interroger, l'enquête choisie dans ce texte par nos deux auteurs contribue à la constitution de catégories descriptives et de statistiques, délivrées de manière objective par le comportement visuel des spectateurs face aux œuvres. [...]
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