Considéré comme emblème de la peinture depuis la Renaissance, le miroir fera paradoxalement sortir la peinture de la mimésis, en mettant en jeu la réflexion aux deux sens du terme. Ses fonctions "pratiques" seront souvent de révéler l'invisible et d'être un vecteur de mise en abîme de l'œuvre. Glissant du statut d'emblème pur à celui de réflexion méta-picturale, l'emploi du miroir évolue au cours des siècles, révélant les conceptions et enjeux artistiques propres à chaque époque
[...] La renaissance est l'époque de la reconnaissance de l'importance du rôle du spectateur et de la puissance créatrice du peintre. Alberti renforce ensuite ces préceptes d'une nouvelle représentation du monde, en théorisant les lois de la perspective. C'est également Alberti qui fonde le miroir comme emblème de la peinture, en faisant de Narcisse l'inventeur de celle-ci : le jeune homme du mythe, en poursuivant ses traits dans l'eau d'une source, accomplit l'acte que l'on prête au peintre : celui de rechercher, sur la toile, le reflet de la réalité. [...]
[...] Le miroir peut aussi être un perturbateur de la perception du spectateur. Ainsi, Buren utilise le miroir pour "éclater" l'espace, mais aussi en tant que réflecteur du hors-champ. Chez Buren, le miroir permet à l'œil d'accéder à des espaces qui lui sont normalement fermés, mais il permet aussi de multiplier l'espace et de le faire éclater en fragments. Cette démultiplication des perspectives rompt avec la perspective à point de fuite unique, qui assignait une seule place au spectateur. De plus, le miroir permet d'ouvrir sur un monde différent, qui fait perdre ses repères au spectateur. [...]
[...] Conclusion Le miroir, qu'il soit juge de l'illusionnisme comme à la Renaissance, lieu où se dévoile l'acte de peindre comme au XVIIe siècle, ou vecteur d'auto- réflexivité et d'auto-référentialité comme au XXe siècle, est toujours constitutif et révélateur des principes de la peinture. C'est au XXe siècle que son utilisation est la plus multiple et souvent subversive, constituant le plus souvent une rupture franche avec l'héritage de la Renaissance, et aboutissant parfois à une mise à distance de l'image. Malgré cet emploi réfléchi et réflexif du miroir à cette époque, celui-ci est depuis des siècles le signe d'une méta-picturalité, mais cette réflexion méta- picturale évolue et s'affiche de plus en plus, jusqu'à devenir le principal sujet de l'art. [...]
[...] Soko Phay-Vakalis. Le miroir dans l'art, de Manet à Richter Introduction Considéré comme emblème de la peinture depuis la Renaissance, le miroir fera paradoxalement sortir la peinture de la mimésis, en mettant en jeu la réflexion aux deux sens du terme. Ses fonctions "pratiques" seront souvent de révéler l'invisible et d'être un vecteur de mise en abîme de l'œuvre. Glissant du statut d'emblème pur à celui de réflexion méta-picturale, l'emploi du miroir évolue au cours des siècles, révélant les conceptions et enjeux artistiques propres à chaque époque. [...]
[...] Cette recherche de la bidimensionnalité sera capitale dans l'œuvre de Matisse. Le dispositif du miroir jouera souvent un rôle dans cette recherche, qu'il serve à réfléchir le hors-champ, à redoubler les personnages, à inscrire le peintre dans son tableau, ou qu'il soit aveugle Dans tous les cas, le miroir possède une dimension de réflexion de et sur le processus pictural, et il se fait métaphore du tableau. Chez Matisse, la bidimensionnalité est due principalement, outre au rejet des lois de la perspective, au traitement plastique égal de tous les motifs : ainsi, il devient difficile de distinguer ce que montre un miroir de ce que l'on peut voir dans l'encadrement d'une fenêtre, par exemple. [...]
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