Les premiers éléments du Manifeste du Futurisme, rédigés en décembre 1908 par Filippo Tommaso Marinetti sont publiés pour la première fois dans sa revue milanaise Poesia en janvier 1909. Mais ce n'est véritablement qu'avec sa publication à la une du Figaro le 20 février 1909 que le texte connaît un réel retentissement, car le mouvement que ce manifeste initie apparaît à bien des égards révolutionnaire: révolutionnaire sur le fond tout d'abord, puisqu'avec une violence inouïe il va dénoncer, accuser et même insulter les illustres artistes des siècles passés, à travers le véritable culte que leur vouent religieusement les contemporains de Marinetti. Révolutionnaire sur la forme ensuite: d'un point de vue littéraire, la sophistication ironique de la langue tourne en ridicule les productions artistiques académiques; le manifeste est le moyen d'expression le plus employé et en même temps le plus représentatif de la pensée futuriste car brutal, prophétique et facilement exportable.
L'idée d'une culture militante de l'intellectuel engagé était déjà apparue dans les revues florentines un peu plus tôt: Il Regno (1903 – 1906), Il Leonardo (1903 – 1907) et Hermes (1904 – 1906); d'autres mouvements annonciateurs de la fin du XIXème siècle, tels le Scapigliatura milanais (ou romantisme décadent). Reste donc à créer un art nouveau, un art-action entièrement tourné vers le futur. Car le futurisme, c'est étymologiquement la théorisation de ce qui est à venir, un art annonciateur et détaché du temps présent: de 1909 à 1920 environ, ce mouvement va traverser l'espace artistique européen où il bénéficie d'un grand prestige, en particulier auprès des élites qui fonderont les futurs mouvements d'avant-garde, aujourd'hui plus connus et influents (surréalisme, dadaïsme…).
Le futurisme, premier mouvement d'avant-garde donc: son succès, aussi fulgurant que le fut son extinction, témoigne avant tout de la conscience qu'ont les Européens d'entrer dans un nouveau siècle, que l'innovation technologique permanente rend plein de promesses et de craintes. Il ne s'agit pas ici d'étudier en détail toutes les subtilités littéraires et artistiques du futurisme, mais plutôt de voir en quoi ce mouvement, et en particulier le Manifeste du Futurisme de 1909, est révélateur des ambiguïtés de ce XIXème siècle finissant et de ce XXème siècle naissant : nationalisme et internationalisme, capitalisme et syndicalisme, orthodoxie et pragmatisme, ordre et anarchie. Or le futurisme est porteur de ces valeurs : avec lui, l'art devient geste, action, coup : de là à ce que l'art devienne engagé, il n'y a dès lors plus qu'un pas… Le rejet violent du passé, l'idéalisation d'un futur absolu sont les fondements même du futurisme (c'est ce qui ressortira notre première approche du Manifeste), confirmant ainsi les mutations économiques et sociétales que subit la société moderne (deuxième partie): enfin, nous verrons que malgré la faiblesse de l'analyse politique futuriste, ses modes d'action jettent de fait des passerelles entre art et politique.
[...] Car en faisant du Futur un espace inaccessible, et en pratiquant la politique culturelle de la terre brûlée, Marinetti s'emprisonne dans le présent. C'est ainsi que se met en place une esthétique de l'immatériel, de l'idéel, de l'éphémère ; à défaut de pouvoir fixer un but à la démarche artistique, ce qui constituerait une négation de la dynamique vitaliste, on fait de l'art une fin en soi, un acte précaire et qui n'a qu'une valeur instantanée. Seule la création est digne d'intérêt, l'œuvre une fois finie cesse d'avoir un quelconque intérêt. [...]
[...] L'affirmation de la beauté supérieure du moteur rugissant à celle d'une Victoire de Samothrace provoque ainsi un grand scandale. Le mouvement, à travers l'automobile de course bondissante, le train sont exaltés, le pas de course doit remplacer l'immobilité contemplative des splendeurs de temps depuis longtemps révolus. La mystification du futur, qui devient un absolu et rend le futurisme captif du présent Parallèlement à cette abolition totale du passé, les futuristes poursuivent (et c'est bien le mot) le Futur : car la conception marinettienne du futur est absolue, il s'agit d'un espace temporel complètement inédit. [...]
[...] Le Manifeste du Futurisme, Filippo Tommaso Marinetti (1909) Introduction Les premiers éléments du Manifeste du Futurisme, rédigés en décembre 1908 par Filippo Tommaso Marinetti sont publiés pour la première fois dans sa revue milanaise Poesia en janvier 1909. Mais ce n'est véritablement qu'avec sa publication à la une du Figaro le 20 février 1909 que le texte connaît un réel retentissement, car le mouvement que ce manifeste initie apparaît à bien des égards révolutionnaire : révolutionnaire sur le fond tout d'abord, puisqu'avec une violence inouïe il va dénoncer, accuser et même insulter les illustres artistes des siècles passés, à travers le véritable culte que leur vouent religieusement les contemporains de Marinetti. [...]
[...] En 1911 éclate la guerre de Libye où la jeunesse italienne, gonflée par ses victoires italiennes, gagne en ambition et en confiance. Cependant, le machinisme de Marinetti n'est pas industriel, au sens où il n'est pas collectif ou même utilitaire (contrairement aux futuristes russes par exemple) : la machine incarne la volonté inébranlable, la vitalité, mais aussi la vitesse. Le passage au cours duquel Marinetti évoque son accident de voiture, qui se renverse dans un fossé rempli de boue et de déchets provenant des usines, est particulièrement évocateur : il s'extirpe de la carcasse fracassée, mais en réalité (j'emprunte cette lecture à Giovanni Lista) il s'agit d'un accouchement. [...]
[...] Le mythe du futur Le rejet total du passé : mouvement et violence Il s'agit là du caractère le plus évident du futurisme, qui s'exprime pleinement dans ce manifeste. Marinetti parle alors de libérer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de guides touristiques et d'antiquaires En effet, l'Italie reste avant tout dans l'Europe du XIXème siècle, malgré sa récente unité, l'héritière de l'Empire romain : tous les jeunes gens de bonne famille, depuis l'âge romantique en particulier sont envoyés parfaire leur éducation dans les ruines du Colisée ou dans les palais des Doges de Venise. [...]
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