Dans ce livre dédié à sa mère, Marianne Mathieu nous présente la vie du peintre Gérard Fromanger. Né en 1939 dans les Yvelines, ce peintre, 18 jours après être entré aux Beaux-Arts, quitte l'établissement « sans regret ». Toujours figuratif, jamais abstrait, Fromanger peint en 1965 une œuvre qui « marque son entrée en figuration narrative » : le Prince de Hombourg (ci-contre). Cette œuvre est bien représentative du rôle clé de la photographie dans toute la peinture de Fromanger.
En inventant le terme « figuration narrative », Gassiot-Talabot met en avant la nouvelle génération d'artistes et leurs réactions face aux générations précédentes. Les nouveaux artistes dits de figuration narrative rejettent l'abstraction, veulent apporter une nouvelle objectivité et recréer un rapport au monde ; ils reprennent en compte la temporalité de l'œuvre et remettent au centre du sujet le phénomène humain (remise en cause de la démarche de Duchamp) : ils annoncent vouloir donner « la liberté à toutes choses de manifester ce qu'elles sont » et peignent collectivement en 1965 une suite de huit tableaux nommés Vivre et laisser mourir, la fin tragique de Marcel Duchamp.
[...] Il découvre également l'Afrique et crée ses Chimères. Vivant désormais en Italie, le peintre joue avec la peinture et garde un regard d'enfant sur le monde, peignant ce qui l'intéresse, au détriment de galeries qui rompent leurs contrats avec le peintre. Il annonce : J'accompagne l'énergie du monde Dans ce livre, Marianne Mathieu fait ainsi le portrait d'un peintre qui croque la vie, s'intéressant avant tout à l'humain et à la société dans laquelle il vit, et essaie d'afficher les codes de cette société pour que l'observateur puisse la remettre en question. [...]
[...] C'est l'ensemble de ces gens qui se retrouvent tous dans la rue qui intéresse Fromanger, le formidable élan collectif qu'ils portent tous potentiellement en eux Marianne Mathieu reprend à nouveau l'interview de Fromanger à la revue Chorus pour introduire la notion de temps mort temps vie du peintre : il explique : Les neuf dixièmes du temps sont un temps mort parce que tout le monde est fusillé par ( ) l'idée de production, de travail, de rendement et qu'il n'y a plus de temps pour la réflexion.( ) A cet endroit (sur le boulevard des Italiens), à ce moment-là (entre midi et deux), quand les gens sont entre deux bureaux , entre deux travaux, vont voir leurs enfants, vont voir leurs amants, mangent ou rencontrent des copains, ( ) je pense que c'est là un temps de vie et que le temps mort c'est tout le reste. Tous les passants représentés dans la rue sont dans leur temps vivant (ce qui explique peut-être pourquoi le chauffeur de la voiture, qui attend parce que c'est son travail, n'est pas peint en rouge par Fromanger). Fromanger semble faire éclater les cadres rigides de la société française des années 60'. En ce sens, sa peinture illustre les aspirations de la jeunesse qui, en 1968, descend dans la rue. [...]
[...] Il joue au jeu du voyeur n'invitant personne à poser ni sur la photographie, ni dans son atelier : il ne parle jamais à ses modèles- passants qui restent inconnus. Il va même jusqu'à expliquer en tableau comment peintre un tableau. Il est intéressant de remarquer que les tableaux d'une même série dialoguent entre eux : Exemple de la série Annoncez la couleur de 1973 : Comment dites-vous ? Pour qui êtes-vous ? Faites vos jeux La France est-elle coupée en deux ? La vie est une marchandise Que pensez-vous de la situation ? Quel est le fond de votre pensée ? [...]
[...] Il explique à la revue Chorus en 1973 pourquoi la rue est devenue son modèle : La rue, c'est pratiquement le seul endroit, à part l'usine parfois, où il peut se passer quelque chose, où d'ailleurs il se passe toujours un événement qui concerne tout le monde. ( ) Il n'y a que dans la rue qu'il y a une situation constamment sur le qui-vive. Il n'y a que dans la rue où le monde, d'un instant à l'autre, peut, pourrait, et parfois cela arrive, se transformer. On l'a vu. On l'a expérimenté. [...]
[...] C'est un bon livre, léger et général, intéressant si on ne connaît pas du tout le peintre pour le panorama que l'auteur nous présente. [...]
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