Georg Grosz et John Heartfield sont surtout connus pour les satires grinçantes de la société allemande qu'ils ont élaborées dans l'immédiat après-guerre par le biais d'affiches, de dessins, de peintures, de gravures ainsi que de photomontages. Les prises de position écrites de ces deux activistes communistes sont, bien que sporadiques, en tout point révélatrices de la virulence avec laquelle ils avaient pour habitude d'illustrer la faillite de leur époque. Publié dans une tribune internationaliste proche des milieux communistes – Der Gegner. Blätter zur Kritik der Zeit –, « Der Kunstlump » fut rédigé sur le coup de la tentative de putsch organisée en mars 1920 par Kapp et Ludendorff, c'est-à-dire à un moment où l'Allemagne était au bord de la guerre civile. Le texte soumis à notre réflexion s'articule en trois parties. Après une critique incisive de l'art dans son acception la plus générale, les auteurs procèdent à l'exécution d'Oskar Kokoschka, une figure dite représentative de la bourgeoisie et qu'ils accusent de participer à l'exploitation de la classe ouvrière. Dans un troisième mouvement, Grosz et Heartfield formulent leurs exigences d'action au travers d'une terminologie particulièrement intransigeante. Notre étude bipartite s'attachera à montrer dans quelle mesure ce pamphlet marque l'aboutissement mais aussi le dépassement de l'esprit dada. Pour ce faire, nous analyserons, dans un premier temps, la manière avec laquelle les deux hommes se livrent à une remise en cause de la finalité de l'art. Il nous importera ensuite de déterminer la substance et les motivations d'un activisme idéologique détonnant dans le paysage dadaïste de l'époque.
[...] 84) et zittert, daß ihm der Arsch mit Grundeis geht témoignent, dans ce contexte, de la violence des attaques des deux dadaistes, ainsi que de leur attitude face à l'art et au rôle qu'il jouait dans la société de cette époque. Alors que le Manifeste du Parti communiste appelait la classe des travailleurs à collaborer, un temps, avec la bourgeoisie avant de conquérir le pouvoir (3ème partie du texte de Marx et Engels), le pamphlet de Grosz et Heartfield renonce catégoriquement à une association soi-disant contraire à la réalité historique de l'époque : Das Bürgertum stellt seine Kultur und seine Kunst höher als das Leben der Arbeiterklasse. [...]
[...] Georg Grosz / John Heartfield : Der Kunstlump in : Riha, Karl (Hrsg.): Dada Berlin. Texte. Manifeste, Aktionen, Stuttgart: Reclam pp. 84-87 Georg Grosz et John Heartfield sont surtout connus pour les satires grinçantes de la société allemande qu'ils ont élaborées dans l'immédiat après-guerre par le biais d'affiches, de dessins, de peintures, de gravures ainsi que de photomontages. Les prises de position écrites de ces deux activistes communistes sont, bien que sporadiques, en tout point révélatrices de la virulence avec laquelle ils avaient pour habitude d'illustrer la faillite de leur époque. [...]
[...] Unique par sa causticité terminologique, Der Kunstlump s'appuie sur des revendications marxistes exacerbées reflétant l'indignation provoquée par les mots de Kokoschka. Le scandale voulu par les deux hommes habitués à ce genre d'affronts nous nous souvenons de la caricature-montage intitulée Gegen die Ausbeuter (p. 76-77) et de ses slogans très évocateurs se nourrit d'une langue exceptionnellement crue censée balayer la tradition artistique et mettre un terme au culte voué à ses valeurs esthétiques. Le recours à des formulations telles que wie alle großen Kunsthuren (p. [...]
[...] Mais rarement, ils ont pratiqué avec une telle minutie la mise à mort de l'un des représentants de la bourgeoisie. Les propos tenus et retranscrits dans notre texte sous une forme dialectale pour le moins dépréciative (p. 84) par le peintre Oskar Kokoschka suite à la tentative de putsch du mois de mars 1920 suscitèrent les foudres de Grosz et de Heartfield en ce sens qu'elles illustraient de manière éclatante les critiques qu'ils avaient lancées au cours des mois précédents, dans un contexte politique autrement moins exacerbé. [...]
[...] Inégalables dans le genre satirique, Grosz et Heartfield placèrent Kokoschka au centre d'un scandale inouï organisé selon une triade caractéristique des attaques portées par Dada Berlin contre son époque. Expressionnisme, bourgeoisie et religion sont les trois éléments fondateurs d'une critique qui, par-delà la remise en cause de la finalité de l'art, vise à une restructuration complète d'une société bouillonnante. Une triade destructrice : expressionnisme, bourgeoisie et idéologie L'élément le plus saillant du pamphlet des deux auteurs traverse notre texte sous la forme d'une critique parfois donnée en filigrane à travers des exigences dont nous analyserons le contenu dans la partie suivante. [...]
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