Fiche de lecture de l'ouvrage La couleur éloquente de l'historienne de l'art Jacqueline Lichtenstein.Elle étudie l'art à l'époque classique (XVIIème siècle) en le comparant aux procédés rhétoriques de l'époque.On trouve notamment un chapitre consacré au débat entre dessin et couleur au XVIIème siècle, qui opposa Poussin à Rubens.Nombreuses sources philosophiques également.
[...] Cette primauté donne une position paradoxale à la rhétorique : si l'art oratoire culmine dans le movere, il faut alors admettre que l'acmé de l'éloquence coïncide avec un silence où le corps ne s'exprime plus qu'à travers le langage muet de ses postures et de sa figure. Il s'agirait ainsi d'un aveu de l'insuffisance du langage, qui a besoin de recourir à des images pour obtenir son effet. Selon Cicéron, l'action est nécessaire au discours pour emporter l'assentiment de l'auditoire, car elle « traduit au dehors les sentiments de l'âme », c'est-à-dire qu'elle rend visible l'invisible : ce qui ne peut se dire peut se montrer. [...]
[...] Roger de Piles : l'éloquence ne doit pas chercher à convaincre mais à troubler. Il reproche à Poussin le fait que la rhétorique narrative de ses œuvres les empêche d'être éloquentes. Pour Poussin, tous les éléments doivent s'agencer de manière à traduire l'histoire représentée, ils fonctionnent comme des signes narratifs ; le spectateur comprend le tableau en déchiffrant les éléments participant à la composition. Au contraire, les coloristes privilégient l'efficacité avec laquelle leurs œuvres parviennent à susciter des émotions chez le spectateur (commentaire de La Descente de croix de Rubens par Roger de Piles : « le Peintre est tellement entré dans l'expression de son sujet, que la vue de cet Ouvrage est une des choses les plus capables de toucher une âme endurcie »). [...]
[...] « Le peintre est comme l'orateur, le sculpteur comme le grammairien. L'orateur doit être instruit des choses que sait le grammairien et le peintre de celles que sait le sculpteur. Mais le peintre doit persuader les yeux comme un homme éloquent doit toucher le cœur. » (Conversations sur la connaissance de la peinture et sur le jugement qu'on doit faire des tableaux, 1677) Le dessin est à la peinture ce que la grammaire est à la rhétorique : il est nécessaire à la maîtrise des règles de la représentation, mais il n'est pas ce qui fait la spécificité de l'art. [...]
[...] Le XVIIème siècle est l'époque d'une critique du platonisme : selon Perrault, Platon ennuie les dames de la cour, et au XVIIème siècle un esprit ennuyeux était considéré comme un esprit faux. On critique ce qui est alors considéré comme de la pédanterie ; la bienséance et l'élégance impliquent de masquer les signes indiquant l'effort, le travail. Selon le dictionnaire de Richelet, « pédant » signifie « savant mal poli qui affecte d'étaler une science mal digérée ». La plupart des philosophes anciens sont ainsi perçus comme pédants au XVIIème siècle (Pascal : « on ne s'imagine Platon et Aristote qu'avec de grandes robes de pédants »). [...]
[...] Au XVIIème siècle, toute parole est peinture : selon Fénelon, « on a enfin compris qu'il faut écrire comme les Raphaël, les Carrache et les Poussin ont peint ». Descartes, Méditations métaphysiques : la couleur est l'ultime rempart du vrai. En effet, « si peut-être l'imagination est assez extravagante pour inventer quelque chose de si nouveau, que jamais nous n'ayons rien vu de semblable, et qu'ainsi leur ouvrage nous représente une chose purement feinte et absolument fausse, certes à tout le moins les couleurs dont ils le composent doivent-elles être véritables ». [...]
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