Dissertation de 3ème année de Licence d'arts visuels. Comment se fait-il que l'on soit si fasciné par la reproduction mimétique du visage d'une personne ? Si l'apparence n'est qu'une illusion et en aucun cas le reflet de la vérité de l'être selon la pensée platonicienne, comment expliquer le saisissement suscité par la contemplation d'un visage ? L'étude des portraits du Fayoum, portraits de momies égyptiennes, et l'analyse qu'en fait Jean-Christophe Bailly dans son livre "L'apostrophe muette" peuvent aider à répondre à ces différentes interrogations.
[...] Enfin ce rôle tenu par l'absence se vérifie encore dans la légende même du portrait. En effet, Pline L'Ancien narre cet épisode en ces termes : En utilisant lui aussi de la terre, le potier Butadès de Sicyone découvrit le premier l'art de modeler des portraits en argile ;cela se passait à Corinthe et il dut son invention à sa fille qui était amoureuse d'un jeune homme ;celui-ci partant pour l'étranger, elle entoura d'une ligne l'ombre de son visage projetée sur le mur par la lumière d'une lanterne ; son père appliqua de l'argile sur l'esquisse, en fit un relief qu'il mit à durcir au feu avec le reste de ses poteries, après l'avoir fait sécher. [...]
[...] Les portraits du Fayoum nous semblent donc à la fois proches de nous et lointains. Ce sentiment d'éloignement est dut au fait qu'ils représentent des personnes mortes depuis près de deux mille ans, mais malgré tout on ne peut s'empêcher de se sentir plus proches d'eux qu'éloignés. Cela vient sans doute de leur position. En effet, face à nous ils semblent nous observer calmement et nous apostropher Le visage comme l'affirme Bailly ne fait pas obstacle à l'âme, il est avec elle en filiation directe, il est sa surface. [...]
[...] En effet, ce qui nous rassemble c'est sans doute le fait que nous soyons tous, comme l'affirme Heidegger, des êtres- pour-la-mort Et cette idée est encore plus vraie lorsque l'on observe les portraits du Fayoum : des portraits de personnes qui sont mortes depuis bien longtemps et qui peuvent nous apparaître, plus qu'aucun autre portrait, comme les portraits de ces êtres- pour-la-mort qu'ils furent et que nous sommes. Par ailleurs, ce serait le visage même de ces individus qui trahirait leur fragilité. Cette idée est développée par Lévinas qui parle de la nudité abstraite et chaste du visage. [...]
[...] On lui accorde une origine mythologique qui se trouve à ce jour toujours non avérée. Cet épisode nous est narré par Pline l'Ancien dans Histoire naturelle. On peut s'interroger sur la volonté d'attribuer une légende a un procédé qui nous parait très commun : faire le portrait de quelqu'un. Mais outre la question de son origine, ne faut-il pas plutôt se pencher les raisons mêmes qui ont conduits à son élaboration ? En effet, comment se fait-il que l'on soit si fasciné par la reproduction mimétique du visage d'une personne ? [...]
[...] Les portraits du Fayoum et les portraits en général sont donc les témoins de notre sort. On remarque alors que le portrait a toujours fasciné et n'est pas prêt de tomber en désuétude. Il peut être considéré comme un substitut ou un lot de consolation pour les proches de la personne absente, ou comme un moyen pour la personne portraiturée de ne pas disparaître tout à fait alors qu'au contraire la mort à pour but de plonger l'individu dans l'anonymat[ ] en détruisant les traits, rabat[ant] l'individu singulier dans le cercle clos de l'espèce. [...]
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