Au XIXe siècle la peinture a largement servi à illustrer et rendre populaire l'entreprise coloniale française. Les peintres ont suivi les soldats dans les territoires nouvellement conquis et y ont emprunté des motifs et des thèmes qui furent très bien accueillis en France. Cet engouement, loin d'être innocent, semble venir de la politique coloniale française qui a intéressé les artistes et leur a offert de nouveaux sujets de représentation.
Il pose aussi une question capitale : savoir si l'art est capable de s'enrichir de formes d'autres cultures ou s'il ne peut que représenter d'autres cultures selon son propre héritage. Il s'agit donc de voir si la peinture entretenait le même rapport que le pouvoir politique avec les peuples colonisés, à savoir un rapport de domination, ou bien si elle a su créer un rapport propre avec les peuples qu'elle a représenté.
L'idée selon laquelle la littérature et les discours politiques auraient créé un cadre de représentation dont les peintres ne sauraient s'affranchir doit cependant être nuancée, car à la rencontre avec de nouvelles cultures correspond une profonde mutation de la peinture française et européenne. Des œuvres d'art étrangères à l'héritage artistique européen ont amené les peintres occidentaux à réviser leur conception de la peinture, ce qui semble être la preuve d'une certaine perméabilité aux cultures étrangères.
On tentera ainsi de voir à travers les travaux de trois grands peintres - Delacroix, Gauguin et Monet – si la peinture européenne n'a fait que représenter des peuples dominés ou si elle a su se rendre réceptive à d'autres traditions. Interrogation qui revient à se demander si l'art est capable de s'affranchir du politique ou s'il est condamné à retranscrire picturalement les rapports de forces qui s'expriment dans la réalité.
[...] Ensuite parce que le Japon, qui avait déjà subi des influences européennes en matière de peinture, n'a pas vu sa culture se dénaturer suite à l'ouverture au monde décidée par les empereurs Meijis. Il semble qu'on puisse donc parler d'un échange culturel entre le Japon et l'occident. En effet il ne s'agit ni d'un rapport colonial, car la culture européenne s'enrichit, mais reconnaît la culture japonaise ( dans un rapport colonial la culture dominante s'approprie les formes artistiques du dominé et détruit en même temps sa culture en imposant la sienne). [...]
[...] Cependant alors que l'Orient et les îles du Pacifique étaient des territoires colonisés, le Japon est resté indépendant, malgré la très forte influence qu'ont eue sur lui les grandes puissances occidentales. Ainsi le japonisme, contrairement à l'orientalisme et au primitivisme, n'est pas lié à la constitution de l'empire colonial français. Cette nuance à son importance puisque le Japon a pu conserver une liberté de se représenter lui même que n'ont pas eue les autres peuples non occidentaux. Ces derniers ont été mis en scène par le pouvoir colonial dans ce qui ressemblait à des zoos humains dans lesquels la dignité des colonisés était bafouée. [...]
[...] Cette revendication ne signifie cependant pas que Gauguin rejette complètement et définitivement la tradition artistique européenne. Il continue, une fois à Tahiti, à admirer les œuvres de maîtres comme Raphaël, Rembrandt, Delacroix , Puvis de Chavanne ou encore Degas, mais à côté de ces références européennes, il recherche dans les œuvres maories une inspiration capable de donner à sa peinture un nouvel essor. Gauguin n'oublie donc pas ses origines européennes, mais il s'adapte à son nouveau cadre de vie et en adopte certaines traditions. [...]
[...] Bibliographie indicative La décolonisation du tableau : art et politique au XIXe siècle, Delacroix, Gauguin, Monet Patrick Vauday / Editions du Seuil / 2006 (ensemble des représentations de l'Orient en vogue en Europe et qui furent introduites par la littérature dite orientaliste Todd Porterfield est l'auteur de The allure of empire. Art in the Service of French Imperialism ( 1798-1836 ) , dans lequel il évoque Femmes d'Alger. Femmes d'Alger dans leur appartement. ( 1834 ) Femmes d'Alger dans leur intérieur ( 1949 ) Hiroshige, Le Temple d'Asakusa Kamon On remarque dans ce tableau l'utilisation d'un procédé typique de la photographie : à savoir mettre un objet au premier plan pour donner de la profondeur à la composition. [...]
[...] Par cette absence des femmes, visible dans leur regard, Delacroix parvient à entrevoir le point de vue du colonisé et lui reconnaît par là une conscience. Femmes d'Alger dans leur appartement trace ainsi une ligne de faille dans la représentation coloniale en mettant en scène des femmes algériennes impuissantes face à l'intrus, mais en même temps incontrôlables et insoumises. Femmes d'Alger dans leur intérieur En 1849, soit quinze ans après la réalisation de Femmes d'Alger dans leur appartement, Delacroix réalise Femmes d'Alger dans leur intérieur. [...]
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