Les gestionnaires et sociologues sont de plus en plus nombreux à se pencher sur le secteur culturel et ils s'accordent en général à dire que si le management prend une place de plus en plus importante dans les organisations culturelles, il en respecte les spécificités et y puise des enseignements dont la pertinence s'étend au management dans son ensemble. Eve Chiapello ne déroge pas à la règle en montrant que malgré une opposition vieille de plusieurs siècles, les logiques de l'art et du management tendent à se rapprocher depuis les années 80, entraînant par voie de conséquence l'affaiblissement de la critique artistique du management.
[...] Au xixe siècle, l'artiste, baigné dans le courant romantique et influencé par le tournant de 1830 qui a été marqué par “l'avènement politique de la bourgeoisie” est opposé à tout matérialisme : il considère que l'art doit être gratuit et désintéressé, ce qui s'oppose au désir d'enrichissement bourgeois et au capitalisme. Selon Eve Chiapello, le management est né de cet esprit bourgeois et s'oppose à la volonté de création libre et désintéressée des artistes. L'auteur s'attache ensuite à mesurer ce qu'il reste de l'opposition entre artistes et gestionnaires dans le cadre contemporain en enquêtant dans diverses organisations culturelles. Elle constate alors que la critique du management par les artistes s'est considérablement atténuée, au profit d'une acceptation des méthodes de gestion managériale. [...]
[...] Un management en transformation Les nouvelles méthodes managériales font écho à la gestion des organisations d'avant-garde. Certaines entreprises cherchent à développer les motivations intrinsèques de leurs salariés en leur offrant une plus grande autonomie et en intégrant la notion d'autocontrôle. D'autre part, le management cherche de plus en plus à développer des organisations “organiques” (Renault) et à favoriser les relations interpersonnelles: les notions de confiance et de “culture d'entreprise” sont de plus intégrées. En outre, le modèle bureaucratique prend une nouvelle forme, en impliquant plus le personnel dans les projets et en diminuant l'effet de hiérarchie. [...]
[...] Tout d'abord, la logique artistique doit être adoptée par tous les acteurs dans une organisation qui favorise l'autonomie, pour permettre que l'artiste ne soit entouré que de motivations intrinsèques. D'autre part, l'organisation organique favorisant les relations interpersonnelles entre les managers et les artistes semble être le format le plus adapté. Et l'organisation doit intégrer la logique du binôme: le représentant de la logique artistique et celui de la logique économique doivent être mis sur un pied d'égalité. Il faut que les principes économiques se mettent au service du projet artistique, mais ces derniers doivent être scrupuleusement respectés par les artistes. [...]
[...] On constate que dans ce cas aussi, malgré certains heurts, art et management ont pu être conciliés. D'autre part, la thèse d'Eve Chiapello est plutôt pessimiste dans le sens où elle montre que la disparition de la critique artistique va de pair avec une entrée de l'art dans une logique économique. Se pose alors la question de la liberté de l'artiste et de l'authenticité de l'oeuvre L'art perd de son aura et l'artiste devient un “ouvrier” comme les autres. On constate d'ailleurs l'essor de formations spécialisées dans le management des organisations culturelles qui dispensent des cours d'économie de la culture, et corroborent ainsi la thèse d'Eve Chapello selon laquelle l'aspect économique du secteur culturel ne peut plus être négligé. [...]
[...] Le management culturel face à la critique artiste. Eve Chiapello, Métailié p L'auteur regroupe sous le terme “d'organisations d'avant-garde” les organisations qui par leur “quête d'une forme absolue de l'art” se rapprochent des écrivains de l'Art pur du xixe siècle. [...]
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