Ce texte expose la vision d'André Gide sur l'art. Il expose la thèse de l'auteur, réduite à sa plus simple expression à la fin de l'extrait : « l'art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté ». Nous allons nous attacher à montrer ce qu'implique cette vision dans une analyse linéaire du texte. Le but sera d'expliquer ce qui amène l'auteur à faire de l'art un combat qui perd son sens et sa raison dans la liberté.
Dans un premier paragraphe, Gide nous explique que lorsque l'art souffre, il se tourne vers la nature, cherchant dans la réalité de ce qui l'entoure, un nouveau souffle. L'art revient alors à sa forme la plus primaire celle qui consiste à imiter la nature. La nature a toujours été source, pour l'homme, des plus grands fantasmes et de l'impression de puissance, de force infinie. C'est elle qui, la première, suscite l'admiration, la crainte aussi, qui nous donne l'idée de beauté et de pureté, qui nous apprend les formes, les couleurs, les sons, les mouvements. Les hommes préhistoriques, précurseurs de l'art, représentaient la nature, leur réalité quotidienne. Cependant, si la nature peut être la muse de l'artiste à ses débuts, elle ne peut le rester indéfiniment.
La nature ne peut être que bassement imitée, « falsifiée ». Aucune représentation ne peut être à la hauteur du spectacle qu'elle offre, les caricatures de la vie sont irrecevables. Hegel, soutient cette critique : à quoi sert d'imiter ce que l'on possède déjà ? L'art est voué à surpasser le commun de ce qui l'entoure, il doit exprimer un état spirituel, une perception du monde qui transcende la réalité. Aphrodite ne naît point d'une conception naturelle nous dit André Gide.
[...] Ainsi, par exemple, un danseur décide d'évoluer, les mains attachées, pour se prouver que l'absolu qu'il poursuit ne s'attarde pas aux problèmes qu'il rencontre, peu à peu la gêne se mue en art même. C'est ce qu'a fait Michel-Ange pour la statue de Moise, le défaut du marbre lui a donné une occasion supplémentaire de surpasser la nature, de la plier à ses désirs, à l'art. Ainsi, Gide conclut en affirmant que la liberté tue l'art. Lorsque rien ne s'oppose à l'art, lorsqu'il dispose du pouvoir suprême de faire ce qu'il veut, il perd sa raison d'être, il se confond avec la nature, toute puissante. [...]
[...] De celle de l'homme, de sa révolte, de sa complexité, de son irréductibilité au concret, au matériel. Toutefois, c'est parce que l'homme vit dans le concret, et qu'il a besoin de retranscrire ce qui l'habite dans une forme qu'il pourra partager et reconnaître, c'est déjà pour cela que l'art est une contrainte. Si les artistes n'avaient pas l'impérieux désir de partager leurs fantasmes, leurs rêves, leur idéal, d'extérioriser leur vision du monde la plus privée, de dévoiler leur intimité la plus profonde, alors ils ne seraient plus artistes, au mieux seraient-ils des sages contemplant un absolu qui n'appartient qu'à eux, incapables de l'exprimer, condamnés à l'apprécier pour eux seuls, isolés. [...]
[...] Une aspiration insatisfaite à un idéal insaisissable. D'où le besoin de matérialiser cet idéal, de créer. Si l'homme se soumettait facilement à la nature, s'il était privé de cet univers sans borne qui forme son esprit, s'il ne concevait pas l'impossible, il n'y aurait pas d'art. La contrainte première est de parvenir à extérioriser les sentiments diffus. Que faire quand le dialogue ne suffit plus à exprimer les sentiments ? Les animaux, qui se basent sur leur instinct et répondent à la nature de façon programmée, ne la considèrent pas, ils vivent sans remettre en question, sans imaginer, sans idéal. [...]
[...] Aphrodite ne naît point d'une conception naturelle nous dit André Gide. En effet, l'homme dans sa capacité à concevoir un modèle, un idéal de beauté, ne peut que surpasser la réalité qui l'entoure. Ainsi, les Grecs élevaient des statues aux formes si pures, si parfaites, qu'elles ne pouvaient être qu'artificielles. Ils créaient des formes qui dépassent infiniment le spectacle empirique. Baudelaire disait qui oserait assigner à l'art la fonction stérile d'imiter la nature ? Dans le même texte, il nous explique que le mal est naturel et le bien, le produit d'un art, et il ajoute que cela peut être transposé pour le beau. [...]
[...] Lorsque André Gide nous dit, il cherche la lutte et l'obstacle c'est parce que l'art se sait capable d'abattre ces murs. Plus les liens sont serrés, plus belle est l'évasion. Un homme ne prend conscience de sa force que dans l'affrontement, il mesure sa volonté dans l'effort, son talent dans les contraintes qu'il pose. Tant qu'il est libre et que rien ne l'oblige à se surpasser, la médiocrité lui suffit presque. Le génie se fait reconnaître en ce qu'il bouleverse un monde qui le tenait prisonnier de ses contraintes, de l'ordre établi. [...]
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