Ce document est une analyse complète et entièrement rédigée qui porte sur "La Tortue Rouge" de Michael Dudok de Wit.
Il convient ici de se demander comment la mise en scène de cette étrange rencontre constitue-t-elle un pivot narratif et esthétique du film ? La réflexion s'attachera à mettre en évidence les caractéristiques de cette rencontre atypique entre un homme et un animal puis il s'agira de montrer à quel point cette séquence opère une rupture narrative et surtout esthétique avec le reste du film.
[...] II/ Une rupture narrative et esthétique dans le film : -La rupture réside d'abord dans la nouvelle attitude du personnage face à cette rencontre : -Tel le mouvement de va et vient des vagues, en un aller-retour de la mer à la plage puis de la plage à la mer, le naufragé se métamorphose lui-aussi comme le fera ensuite la torture mais en opposition totale avec sa future femme pacifiste car il laisse éclater colère et désir de vengeance. Devant l'échec de ses rêves de fuite, il devient destruction. On retrouve ici la dialectique entre Eros, la pulsion de vie (la tortue deviendra la mère de son enfant) et Thanatos, la pulsion de mort qui réside en chacun de nous. D'ailleurs, ce désir de vengeance transforme aussi son visage dont les traits sont froncés par la colère notamment lorsqu'il aperçoit l'animal avancer sur la plage. [...]
[...] -On y retrouve une autre opposition, expression de la violence inhérente à l'Homme : l'attitude défensive du naufragé armé, les bambous aiguisés pointés vers l'animal sont en totale opposition avec le calme pacifique de la tortue et la grâce de ces mouvements. Cette dernière agresse le radeau (signe de civilisation dont l'Homme devra par la suite se libérer . ) et non son capitaine. -Le réalisateur, comme dans de nombreuses autres séquences du film, joue sur les éléments à savoir l'eau, l'air (les cheveux au vent, l'écume de la mer) et la terre métaphoriquement représentée par les bambous du radeau. [...]
[...] Connaissant la suite du film, il s'agit ici d'un topos de la rencontre amoureuse au cinéma filmée en champ/contre-champ pour exprimer l'harmonie des amants. D'ailleurs, la musique appuie cet émerveillement, le choc de la rencontre aussi exprimé par l'onotmatopée du naufragé : « Ooohh ». Il semble hypnotisé par la créature. -Le mystère de cette rencontre demeure car la douceur de la tortue vis-à-vis de l'Homme n'empêche pas la destruction de son radeau filmée en forte plongée ce qui rend les attaques invisibles et donc imprévisibles pour le personnage comme le spectateur. [...]
[...] -La rencontre s'achève par un second face à face mais dans l'élément naturel de la tortue cette fois comme si celle-ci avait voulu provoquer la rencontre. Le rythme des violons se fait plus lent mais plus angoissant toutefois contrairement à notre horizon d'attente, aucun attaque. Un gros plan met en avant la tortue contrairement à l'homme (il reste cadré en plan d'ensemble) ce qui ajoute une « humanité », une conscience à la tortue qui domine la situation et triomphe de l'Homme. [...]
[...] -Il est un autre changement majeur dans la psychologie du personnage : son aveuglement. Alors qu'au début du film, il découvre l'île en observant son environnement, en scrutant la faune et la flore, on constate ici que sa rage destrutrice l'aveugle : il n'interroge pas la venue de la tortue sur l'estran, il n'y voit pas une tentative heureuse, une amitié possible mais un ennemi, un obstacle à son rêve. On se trouve ici dans le registre tragique des grandes pièces classiques où un innocent subit la colère injuste d'une pulsion. [...]
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